Chapitre 19

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   La bouche pâteuse et la tête bourdonnante, Zoro émergea difficilement d'un sommeil jalonné de rêves chaotiques. Il mit quelques instants à se remettre dans le bain, tournant avec peine sa nuque engourdie pour se repérer dans la pièce. A travers les rideaux vaporeux, la lumière diffuse du jour filtrait, tamisée. Il faisait lourd, dans la chambre. Tellement lourd et chaud qu'il avait du mal à respirer.

   Alors qu'il allait se lever pour se rafraîchir les idées à l'extérieur, il se retrouva soudain dans l'incapacité de se redresser. Et pour cause, la tête de Yamato pesait sur son torse, ses longs cheveux lui chatouillaient le menton et les jambes de Sanji étalées en travers des siennes achevaient de confirmer son statut d'oreiller premier choix. Il repoussa le plus grand d'entre eux d'une main un peu bourrue et dégagea le second sans ménagement aucun.

   A peine fut-il debout qu'un violent vertige l'assaillit. Il se rassit aussitôt, alarmé par le décor qui se mettait à tanguer autour de lui, les taches noires qui apparaissaient dans son champ de vision et la douleur qui cognait à l'arrière de son crâne. Il grimaça. Il avait dû trop boire la veille. Il n'avait d'ailleurs du film et de la soirée qu'un souvenir confus, mélange de réelle appréciation du chef d'œuvre de James Cameron, d'énervement permanent vis-à-vis d'à peu près tout le monde et d'ivresse doucereuse.

   Zoro finit par tenir sur ses deux jambes sans avoir l'impression d'être une enclume frappée perpétuellement par un marteau et s'en félicita. Il s'ébroua, puis hésita longuement sur le fait qu'il dût ou non jeter le blond du lit afin qu'il connaisse un réveil brutal et douloureux, exactement comme il le méritait. Il s'en abstint cependant et sortit de la chambre en évitant les corps de ses camarades endormis çà et là dans la pièce, manquant de trébucher à plusieurs reprises sur leurs silhouettes ronflantes.

   Dehors, une brise tiède et la clameur hétérogène de Paris l'accueillirent. C'était désagréable. Trop moite, trop fréquenté, trop bruyant. Malgré cet inconfort, il se surprit à ne plus ressentir la même envie pressante de rentrer au Japon, à se traîner de son appartement au dojo puis du dojo à son appartement en allant sonner chez Kidd le temps de vider une bouteille de bière. Il se plaisait presque dans cette capitale aussi vivante qu'étouffante.

   « Tout juste neuf heures et tu es déjà d'attaque, Zoro. »

   Il n'eut pas besoin de se retourner pour savoir que la belle historienne venait le rejoindre. En deux enjambées, elle parvint à son niveau, non loin du perron de la pension pour ne pas s'égarer. Elle croisait les bras sous sa large poitrine, son éternel sourire teinté de mystère aux lèvres. Il ne le remarquait qu'à cet instant, mais Robin était grande, plus grande que lui, tant qu'elle le surplombait de sa stature tranquille et majestueuse.

   « Tu étais bien éméché hier soir, je ne t'aurais pas cru en aussi grande forme ce matin ! dit-elle de sa voix profonde, inaltérable.

   — Il faut croire qu'on s'y fait, avec l'habitude...

   — Tu n'as pas une très bonne influence sur Sanji, à l'entraîner dans tes beuveries excessives. Tu vas nous le dévergonder, on ne le reconnaîtra plus à la fin du séjour ! s'esclaffa-t-elle d'un doux rire cristallin.

   — Il ne boit pas ? s'étonna-t-il en suivant de l'œil un couple qui se promenait main dans la main, arborant des accessoires à l'effigie de My Hero Academia.

   — Il n'a pas l'air d'être un grand buveur. Il n'a même pas l'air d'être habitué à se genre de soirée où amis et alcool se mêlent autant. Ce doit être assez nouveau pour lui. Et tu fais office de guide dans cette découverte, » développa-t-elle en coulant vers lui son regard clair et imperturbable.

Not Emily in Paris but Zoro et Sanji à la placeDonde viven las historias. Descúbrelo ahora