Chapitre 50

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   La clé tourna dans la serrure, un cliquetis retentit, la porte s'ouvrit. A tâtons dans l'obscurité, Zoro parvint à trouver l'interrupteur et la pièce s'illumina soudain. Rien n'avait changé depuis son départ, si ce n'était une couche de poussière qui s'était accumulée sur la table. Il se déchaussa, posa les valises près du canapé et alluma une autre lampe qui fit disparaître les ombres acérées des meubles et des branches tortueuses du bonsaï trônant fièrement sur son étagère.

   Il se lava les mains, les essuya dans son pantalon en aspergeant des gouttes d'eau sur le sol et ouvrit les placards en quête de quelque chose à se mettre sous la dent. Kidd avait bien proposé de lui céder deux, trois carottes et un oignon rouge pour manger quelque chose, mais il avait refusé, certain de ne savoir comment cuisiner ces légumes sans se ridiculiser auprès de Sanji. Ce dernier n'en finissait d'ailleurs pas de se débattre avec les lacets de ses Oxfords après lesquels il pestait copieusement.

   « Je peux faire du riz ou... du riz, j'ai pas grand-chose à bouffer à vrai dire, souffla Zoro en s'accoudant au plan de travail avec deux paquets de riz dans les mains. Ça te remplira l'estomac au moins.

   — C'est très bien ! » agréa le blond qui avait finalement réussi à se débarrasser de ses chaussures.

   Il ôta sa veste qu'il accrocha au porte-manteau tordu et se lava les mains à son tour. Echouant dans sa quête d'une serviette ou d'un torchon pour se les essuyer, il grimaça et finit par se reporter sur le T-shirt de Zoro. Ce dernier sursauta en sentant le contact mouillé de ses paumes dans son dos et en reversa quelques grains de riz. Il saisit le couteau à pain et fit volte-face, mais Sanji avait déjà attrapé un couvercle de casserole pour se défendre. Les deux ustensiles s'entrechoquèrent dans un son mat.

   « Il y a un torchon accroché à la poignée du four, déclara le propriétaire des lieux en foudroyant du regard son invité.

   — Ton T-shirt était plus en évidence, argua ce dernier en repoussant la lame d'un coup de couvercle. Si tu l'enlèves, l'incident ne risque plus de se reproduire.

   — Va te doucher au lieu de me faire les yeux doux, rétorqua-t-il en retournant à son riz. Il y a des serviettes propres sous le lavabo, sers-toi.

   — Je vais faire semblant de ne pas voir que tu fuis la conversation parce que tu es gêné et aller prendre une douche, ricana Sanji en lui ébouriffant affectueusement les cheveux.

   — Je suis pas gêné !

   — Bien sûr, bien sûr... »

   Tout en pouffant, il sortit ses affaires de toilettes de sa valise et s'en fut dans la salle de bain, laissant Zoro seul et confus devant son cuiseur encore vide. Ce dernier secoua la tête, las de se faire mener par le bout du nez par le blond, et retourna à la préparation de son riz. A presque trois heures du matin, c'était cocasse.

   Il ne tenait pas en place. L'idée seule que Sanji, un homme qui ne le laissait certainement pas indifférent, se trouvait chez lui le rendait tout chose. Il avait rarement ramené des hommes chez lui, trouvant que son appartement se prêtait peu à la débauche. Il tenait à son confort, à sa petite bulle de tranquillité, à ce havre de familiarité qu'il n'aimait pas voir dérangé par des inconnus. Mais Sanji n'était pas un inconnu. L'avoir près de lui, dans la sphère intime de son lieu de vie, était à la fois source de joie surexcitée et d'angoisse.

   Il avait peur de se retrouver démuni face à lui, de ne savoir que dire, quoi faire, comment donner le change. D'un autre côté, il se sentait bien avec lui, à l'aise. Il appréciait sa compagnie. C'était même plus que de l'appréciation. Il adorait leurs interactions, leurs regards échangés, leurs sourires tout juste dissimulés, leur provocation incessante tout comme leurs moments de douceur, le sexe, la séduction qui avait pris une place importante dans leur petit jeu de rivalité.

Not Emily in Paris but Zoro et Sanji à la placeWhere stories live. Discover now