Isao Saito, inspecteur de police, essaye de joindre les deux bouts depuis la mort de sa femme deux ans plus tôt. Alors qu'il s'enfonce toujours plus dans son travail, tentant d'oublier ce passé qu'il a laissé derrière lui, un tueur en série au mode...
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Une ambiance pesante règne dans la voiture.
Je sais déjà ce qui m'attend lorsque nous arriverons à la maison. Je vois bien à quel point Amaya est agacée de cette soirée, et je dois réunir toutes mes forces pour ne pas éclater, moi aussi. Je l'observe s'agripper au volant de la voiture, planter ses ongles dans le cuir, lâcher de lourdes expirations.
Je pourrais tenter d'arrondir les angles, de chercher à comprendre pourquoi elle se met dans un tel état pour un simple dîner, mais ça ne m'intéresse pas. Je connais déjà toutes les réponses à ces questions, et les entendre m'emmerde profondément. Amaya ressent toujours le besoin irrépressible de contrôler le moindre détail, même celui qui semble vouloir lui échapper. Dès lors qu'un élément insignifiant lui file entre les doigts, elle entre dans une colère noire et se renferme sur elle-même.
Ça me fait doucement rire, quelque part. Elle qui se vante toujours d'être d'un sang-froid sans pareil est, en fin de compte, incapable de contrôler ses émotions.
Elle n'a pas été formée à ça.
Je suis même étonné qu'elle n'ait pas choisi d'exploser en plein milieu du dîner. Cette rencontre avec Isao, ça fait des jours, des semaines qu'elle la prépare, et pourtant...
Cet inspecteur est l'inverse de celui que je m'étais imaginé dans mon esprit : esprit qui a dépeint ce flic comme un être abominable et un enfoiré sur pattes. J'ai toutefois eu un tout autre portrait sous les yeux et c'est bien ce qui m'agace. Même à des kilomètres de lui, son aura puissante me remue les narines et me donne une profonde envie de gerber. Il est tel que Reiko l'a décrit, à l'inverse de ce que m'a conté Amaya.
Je ne sais plus sur quel pied danser, bien que les deux versions me poussent à toujours plus le détester. Si l'admiration dans le regard de Reiko ne m'a pas dérangée, la perte d'assurance que j'ai pu noter dans les yeux d'Amaya me tourmente encore. Isao et sa sœur ont tout connu, tout vécu ensemble. J'en ai encore des frissons quand je me remémore les souvenirs que m'a confiés Reiko à propos de la vie qu'ils ont menée.
Mais lorsque Amaya l'a salué, j'ai senti combien elle s'était enfermée dans une instabilité physique, frôlant une anxiété extrême dont je n'avais encore jamais vu l'ombre jusqu'à aujourd'hui. Pourtant, comme toujours, je la ferme. Je la ferme parce que je ne peux rien dire. Je la ferme parce que, sinon, je vais tout détruire.
La voiture ralentit lorsque nous approchons de notre immeuble et qu'Amaya s'engage dans le parking souterrain. Alors que d'habitude, elle prend le temps de regarder autour d'elle, d'analyser la marque des voitures de nos voisins qu'elle connaît pourtant par cœur, ce soir, elle ne s'en formalise pas. Elle s'empresse de regagner la cage d'escalier, ce qui me pousse à accélérer le pas pour la suivre, comme si je craignais la suite des évènements.
Je ne sais pas pourquoi, d'ailleurs. Je sais très bien quel genre de rituel elle est en train de préparer dans sa tête. C'est toujours la même chose.
