Dès que je me vois dans la cellule de prison avec Pâris, je m'accroche de toutes mes forces à cette vision tout en gardant bien en main ma lampe et mon livre. Quelques secondes plus tard, je me retrouve dos au mur de béton de la prison, face à Pâris. Lui aussi semble avoir totalement abandonné de dormir cette nuit vu comme il est assis en tailleur sur sa planche de bois. Il me voit, bien sûr, comme hier, et il semble affreusement triste.
Maintenant que je ne sais que ça ne peut pas être des vrais regrets, je me rends bien compte qu'il s'inquiète pour moi, il sait qu'il m'est arrivé quelque chose, mais il ne sait pas quoi et pire encore, il sait que personnes ne se doute de son innocence. Donc il doit presque se sentir responsable de moi dans le sens où c'est le seul qui pourrait et devrait me chercher, même s'il en est actuellement incapable. Mais qu'il se rassure, il n'y a rien à rechercher, je vais bien. Ou je vais aussi bien que possible. J'ai juste disparu. Et je suis convaincue qu'il pourrait me voir s'il le voulait, c'est lui qui a les cartes en main, pas moi.
En plus, il me voit parfois. La preuve, il m'a vu l'espace de quelques petites secondes à mon arrivée, mais maintenant il ne me voit plus.
Ne me torturant pas trop avec ça, je me pose le long du mur et je lis, aidé par ma lampe torche. Après plusieurs dizaines de minutes, je l'entends m'appeler avec désespoir, semblant encore plus torturer que la veille, comme s'il ne pouvait plus, comme s'il en avait assez et pire encore, comme s'il se pensait totalement fou... Le pire, c'est que je suis un peu responsable de cette folie, il doit penser subir des illusions atroces et je sais d'expérience que ça crée une grosse remise en question. Sauf que sa remise en question à lui ne lui permet pas de croire que je suis là, ça l'incite au contraire à croire qu'il est totalement fou.
Une fois de plus, j'aimerais l'aider, mais j'en suis totalement incapable. Ce n'était peut-être pas une si bonne idée que ça de venir. Mais au moins, je ne m'ennuie pas.
❦
Comme hier, la nuit se passe sur le même rythme, parfois Pâris me voit, d'autre fois pas du tout, mais systématiquement, il n'y croit pas. Je m'en doutais bien, mais je suis tout de même déçue, j'aurais préféré qu'il en soit autrement. Mais au moins, cette fois, je ne m'ennuie pas comme un rat mort. Lui si, mais ça, je n'y peux absolument rien, il tourne en rond et il semble mourir d'envie de sortir... Pour cause, il n'a eu qu'une sortie en plus de vingt-quatre heures, sinon il est totalement enfermé entre ces quatre murs, sans la moindre occupation. Moi au moins, j'ai pu fuir, j'ai pu partir, lui est juste enfermé. Seul.
Et au petit jour, au moment où j'arrête de nous voir tous les deux, il arrête aussi de me voir. Et à partir de là, c'est de nouveau la même attente durant laquelle je bénis la présence de mon livre. Je m'ennuie parfois, mais c'est totalement surfait par rapport à hier. Le pire, c'est la faim, si j'avais été intelligente, j'aurai apporté à manger. Mais apparemment, je ne fais pas partie des personnes intelligentes. Et quand le policier amène à Pâris son petit déjeuner, je prends la décision de lui voler. Je ne suis pas sûre des effets que ça peut avoir, mais je ne tiendrai pas une journée de plus comme hier. Faisant ce que j'aurai déjà dû faire la veille, je me saisis du plateau repas avant Pâris et je me réinstalle dans mon coin. Le temps du mouvement, quand je relève les yeux, Pâris a exactement le même plateau que moi dans les mains tandis ce que moi, je n'ai absolument rien perdu. Si ce n'était pas encore bien établi que j'étais quelque chose de très étrange, je pense que maintenant, c'est plutôt clair, j'ai tout de même réussi à dupliquer la matière sans même vraiment essayer.
Si je l'avais su plus tôt, je l'aurai déjà fait plusieurs fois au lieu de jeûner la veille. C'est uniquement de ma faute de toute manière, mais que je suis tout de même un peu énervée en m'en rendant compte. J'aurai vraiment dû essayer ça beaucoup plus tôt, quitte à ce que Pâris perde son repas le temps de quelques instants.
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L'Étrange Histoire De Kamala Crow (terminé)
ParanormalBeaucoup de personnes racontent des légendes en prétendant qu'il faut le voir pour y croire, mais si dans mon cas, il faut y croire pour me voir. Le 12 juin, à Margate, Kamala fête ses dix-huit ans en ville avec son petit copain, Pâris. À 16 heures...