À la Poursuite des Sœurs

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Aurora quitta la forêt au début de l'après-midi. Si elle avait décidé de rentrer, ce n'était pas par lassitude. Le temps passé dans la nature la ressourçait toujours, mais cette fois, les images de son cauchemar revenaient sans cesse : les yeux gris de la vieille dame, les rochers, les ruines de la forteresse, la substance noire et dégoûtante qui l'avait frôlée. Elle avait déjà oublié son nom... Et puis, quel rapport avec Berg ? Cette ville se trouvait de l'autre côté de la montagne et Aurora ne s'y intéressait pas plus que cela. Elle était certaine d'une seule chose : ce n'était pas un rêve ordinaire. Elle se creusait encore la tête pour en comprendre la signification.

Aurora ne quittait pas souvent le comté d'Hordaland. Les paysages étaient suffisamment beaux et vastes pour la combler. Elle ne manquait pas d'amis entre les animaux, les arbres et les esprits. Elle ne détestait pas la ville pour autant. Il lui arrivait d'accompagner ses sœurs ou ses parents à Berg, mais toujours avec une certaine retenue. Elle se savait différente des autres. Sa famille acceptait ses facultés, ses excentricités. Face au reste du monde, elle avait l'impression de devoir dissimuler sa nature profonde.

Aurora se demandait souvent d'où elle venait. Bien sûr, ses parents lui avaient raconté les circonstances de sa naissance, mais cela n'expliquait pas grand-chose. Elle en discutait parfois avec Igor. Ces derniers temps, un peu plus que d'habitude. Son ami se creusait la tête pour lui apporter des réponses. Celles-ci tombaient parfois à l'improviste, comme s'il les décrochait du ciel en agitant ses filaments, et elles n'avaient pas toujours beaucoup de sens...

— Tu sais que pour les Vikings, les aurores boréales sont le reflet des armures des guerriers morts au combat, frrt ? Elles brillent dans le ciel quand Odin les mène au Valhalla.

Sa remarque sortit Aurora de ses réflexions. Elle ouvrit de grands yeux, éclata de rire, puis l'ébouriffa avec tendresse. Ils arrivaient en vue de leur maison. Mme Skaljnes ramassait de l'achillée millefeuille, une plante aromatique, dans le jardin.

— Tiens donc, regardez qui voilà, annonça-t-elle en apercevant sa fille. Tu rentres tôt. Que nous vaut l'honneur de ta présence ? Une petite faim ? Il reste du poulet dans le frigo, tu peux le réchauffer.

Aurora fit claquer un baiser sur sa joue.

— Bonjour m'man. Et non merci.

— Et Igor, il n'a pas trop chaud sous ce soleil ?

— Nan, ça va. C'est un dur à cuire.

— Tu sais que les écailles de dragon résistent au feu, frrt ? Logique, tu me diras. Sinon, ils se brûleraient à chaque fois qu'ils ouvrent la gueule. Cela dit, ils possèdent de nombreuses autres facultés qui sont moins connues, frrt. Par exemple, savais-tu que...

— C'est très intéressant, Igor, merci.

— Mais je n'ai pas fini, frrt !

— Qu'est-ce qu'il raconte ? demanda Mme Skaljnes.

Aurora haussa les épaules d'un air désabusé. Sa mère se mordit les lèvres pour ne pas rigoler. Elle savait la boule de mousse un peu susceptible.

— Au fait, joli maquillage. Œuvre de Mariann ?

— Oui. Elle est à l'intérieur ?

— Non, non. Tes sœurs sont parties. Elles souhaitaient passer un peu de temps à Berg.

Aurora sentit un poids lui tomber sur la poitrine.

— À... à Berg ?

— Qu'est-ce qu'il t'arrive tout à coup ? Tu es toute pâle ! Viens là. Assieds-toi. Tu devrais cesser de passer des journées sans manger comme tu le fais. Tu es de forte constitution, mais tout de même, tu grandis toi aussi ! Et tu es toujours à courir partout !

Les Larmes d'AuroraWhere stories live. Discover now