Chapitre 3 (L)

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Il fait froid.

Je suis couché sur une surface dure dont l'humidité passe à travers ma chemise. Surement le sol de la boite de nuit où j'ai fini ce soir ou hier soir, je ne suis sûr de rien. Ni d'où je me trouve, ni de l'heure.

L'alcool et les pilules que j'ai ingurgités dans la soirée m'empêchent de me lever, d'ouvrir les yeux ou de parler. Ils me condamnent à attendre, seul, sur un sol imbibé de vodka qui mouille ma peau.

J'entrouvre les yeux, essaie de bouger tant bien que mal et entend des voix. Des voix lointaines. Abstraite.

Le sol tremble légèrement sous mon corps, et mon oreille collée au sol entend des pas s'approcher.

Et soudain tout bouge, je bouge, on me soulève, des bras me portent et me déplacent, me donnant envie de vomir.

– Je vous ramène, Monsieur, dit une voix, celle qui me porte.

Je reconnais la voix de Logan Anderson, mon garde du corps qui essaie de me mettre sur mes pieds, en vain. Je suis comme une poupée de chiffon, enivrée par l'alcool et les cachets qu'on m'a procurés, incapable de faire un pas sans tomber.

Mon esprit alterne entre conscience et semi-coma. Je sais juste qu'on me transporte dans une voiture pendant un temps et sans que je m'en rende compte, je suis à nouveau dans les bras d'Anderson.

Il marche vite, des portes claquent, des ordres sont donnés et je sens des gens bougés autour de moi.

On me touche, me palpe, m'ausculte pour être sûr que je suis en vie et je grommelle quand on me pose sur une surface beaucoup plus molle et douce que celle où je me trouvais avant.

La dernière chose dont je me souviens avant de sombrer complètement est que j'essaie d'hurler pour qu'on me laisse tranquille. En vain. Aucun son ne parvient à sortir de ma bouche.

**

Je vois flou quand j'ouvre les yeux, que je cligne rapidement, essayant de comprendre où je suis. Entre deux battements, j'arrive à apercevoir des rideaux noirs et des murs aux couleurs sombres. Ma chambre.

Un mal de tête puissant me prend, m'empêchant de me rendormir. J'ouvre le tiroir de ma table de nuit, en sort une boite à gâteau où sont cachées quelques pilules et en avale une en prenant une gorgée d'eau. Il lui faut à peine cinq minutes pour faire effet, vidant ma tête de quelconques pensées, faisant aussi passer mes maux.

Je repousse les couvertures, essayant de me souvenir comment la soirée s'est terminée. Mais je ne me souviens de rien, ni quand je suis rentré, ni comment.

Mon téléphone m'indique qu'il est 16 heures et une tonne d'appels manqués. De mon agent de sécurité pour la plupart, de mon frère pour le reste. Les dernières dates de ce matin et s'arrêtent brusquement, surement au moment où je suis rentré.

Je vacille légèrement lorsque je me mets debout, la pièce tournant autour de moi. Et je fais à peine un pas que je tombe misérablement, emportant les objets posés sur ma table de nuit lorsque je m'accroche à celle-ci pour essayer de retenir ma chute.

Sûrement alerté par le bruit, la porte s'ouvre sur Anderson qui se précipite dans la pièce, son arme à la main, prêt à agir. Un léger soupir de soulagement lui échappe lorsqu'il la range pour venir m'aider à me relever.

– Tout va bien, Monsieur ?

– Très bien, merci.

Il m'aide à m'assoir sur mon lit et se recule en me regardant.

– Pourquoi vous n'avez cessé de m'appeler ce matin, vous et mon frère ?

– Nous ne savions pas où vous étiez, monsieur.

– Je vous avais prévenu que je sortais hier soir.

Logan Anderson a été engagé il y a pratiquement dix ans, quelque temps après mes dix-huit ans. Nous nous connaissons bien tous les deux. Outre le fait qu'il est mon employé, je sais que je peux vraiment compter sur lui. Je connais aussi chacune de ses mimiques. Son silence, son air impassible et son incapacité à me regarder dans les yeux m'indiquent qu'il est en possession d'une information qu'il ne veut pas divulguer.

– Comment je suis rentré, Anderson ?

Il hésite un instant, mais finit par parler.

– Je vous ai ramené, Monsieur. Vous étiez dans une boite privée, inconscient. Mais ne vous en faites pas : tout est réglé pour que cette histoire ne sorte pas dans la presse.

J'essaie de me souvenir ce qu'il s'est passé, mais la dernière chose qui me revient, c'est la bouteille de Vodka que j'ai commandée pour moi et mes amis.

– Je vais faire demander un plateau repas, dit Anderson en sortant son téléphone, prêt à donner des ordres.

– Pas la peine, je n'ai pas faim.

– Mais...

Il s'arrête de parler en voyant mon regard, s'incline et sort de la pièce. Il a tendance à oublier qu'il est mon agent de sécurité, et non ma gouvernante.

De toute façon, j'ai la nausée, ce qui ne me donne pas envie d'avaler quoi que ce soit. Je pourrai manger ce soir, au gala de charité où je suis attendu. Enfin, je crois.

Quand je me sens prêt à me lever, je pars à la recherche de mon agenda, mais impossible de mettre la main dessus. Sûrement, la dernière secrétaire qui l'a rangée va savoir où. Cette peau de vache qui ne comprenait pas pourquoi elle devait s'occuper de moi et non de mon frère, le Roi. Ce sont ces mots que j'ai entendus lorsqu'elle était au téléphone. Le lendemain, elle était virée.

Je me rends donc dans mon bureau et farfouille dans les tiroirs pour trouver ce qui m'intéresse et qui n'est pas à sa place habituelle. Je mets enfin la main dessus et m'apprête à retourner dans mon lit quand mon regard tombe sur un dossier qui n'était pas là hier soir, posé en évidence sur le bureau.

Je l'ouvre et me rends compte qu'il s'agit d'une copie d'un contrat de travail pas encore signé ainsi que toutes les informations concernant une certaine Nanerl Maslow, qui a postulé pour être ma nouvelle assistante.

Un sourire nait sur mes lèvres.

Mademoiselle Maslow, bienvenue en Enfer.

The PrinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant