Chapitre 12

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L'heure était venue, Laïa allait prendre cette potion pour rencontrer Telthona. Parfois, sa soif de savoir me terrifiait, car elle nourrissait les risques qu'elle prenait. 

 Assise dans l'un des canapés, mon regard se perdait sur la fiole située sur le comptoir. Elle était aussi haute que mon petit doigt et légèrement ronde. Je me demandais quelle en était la composition pour avoir le pouvoir de ralentir le rythme cardiaque au point de frôler la mort. De la digitaline certainement. Cela semblait cohérent au vu de la couleur du liquide. Cette fleur magnifique était connue pour sa toxicité et il ne fallait pas avoir de profondes connaissances en la matière pour savoir qu'une infime quantité pouvait tuer en quelques heures seulement. 

 J'imaginais alors ma meilleure amie, risquer sa vie et ingérer ce poison dans le seul but d'en apprendre plus sur les démons et ce monde remplit de mystère. Mon cœur se tordit à cette idée et je refusais de la laisser courir ce risque. Certes, je partageais son envie de connaître la vérité, mais pas au péril de nos vies. Depuis 17 ans, j'ai toujours été dans l'ignorance et cela ne m'avait jamais posé problème. À l'inverse, je craignais qu'en cherchant la vérité, cela nous mettrait en danger. Après tout, est-ce que ça en valait vraiment la peine ? Est-ce que ça changerait quelque chose à notre existence ? Je n'en étais pas sûr.

- Alors ? Que décides-tu ? 

 La question de Laïa me sortit de mes pensées et lorsque je croisais son regard, une idée me vint à l'esprit. 

- C'est hors de question que tu ingères ce liquide Laïa. 

-  Mais je ne risque rien, Telthona est la meilleure et même si elle semble être terrifiante, je suis sûre qu'elle ne me laissera pas mourir.

- Peut-être, mais je refuse que tu prennes ce risque. C'est trop dangereux. 

- Quelle autre solution avons-nous ? 

 Elle était vraiment têtue parfois et même si je comprenais ses motivations, je la trouvais dans l'excès. De plus, rien ne nous affirmait que la guérisseuse avait des informations à ce sujet. Elle pouvait être mystérieuse et terrifiante et pour autant, ignorante sur le sujet. De plus, sa réputation ne m'inspirait rien de bon. S'il elle apprenait qu'on se se jouait d'elle, je n'osais imaginer ce qui pourrait nous arriver. Elle s'en prendrait certainement à nous et je dois avouer qu'attirer les foudres d'un être aussi froid et dangereux ne me réjouissait guère. 

- Réfléchis Laïa, si Telthona apprend d'une quelconque façon qu'on se moque d'elle, elle pourrait s'en prendre à nous. 

- Je suis prête à courir le risque. 

- Même si ça implique ta mère ? 

Son visage devint blême. Visiblement, elle n'avait pas fait le rapprochement. Nous ne connaissions rien de Telthona et si elle décidait de ne plus guérir l'ange pour nous punir, alors Laïa risquerait de perdre le seul membre de sa famille qui lui restait. 

-  Je n'avais pas vu les choses sous cet angle. 

- Je sais, mais je crois que j'ai eu une idée. 

 Son regard brillait d'un éclat de curiosité et sans attendre une seconde de plus, je lui exposais ce qui m'était venu en tête. 

-  Ta mère est malade et tu m'as dit qu'elle avait un rendez-vous prévu d'ici peu. 

-  C'est exact, elle est censée la revoir dans quatre jours, et ? 

- Et je me suis dit que l'une de nous deux pourrait accompagner ta mère et ainsi, questionner la guérisseuse pour obtenir des réponses. 

- Ce n'est pas bête comme idée. Le problème c'est que je ne pourrais pas l'accompagner ce jour-là, je dois être présente au palais. En plus de ça, aurons-nous seulement droit d'être présentes lors de l'examen ? 

Quelques fois par semaine, elle se rendait au palais en tant que femme de ménage. Anciennement, sa mère y était employée, mais avec sa maladie, elle ne pouvait plus travailler, ça représentait une trop grosse contrainte. Elle a donc proposé à sa fille de la remplacer le temps qu'elle se soigne. Bien évidemment, Laïa n'avait pas pu refuser et c'était donc avec plaisir qu'elle avait récupéré les tâches quotidiennes de sa mère. Heureusement, cette décision s'était avérée plus utile que prévu, car les soins médicaux représentés des frais importants et l'accumulation de ces deux métiers leur permettaient d'être un minimum à l'aise financièrement.  

- Je peux l'accompagner si tu veux ? Comme ça ta mère sera rassurée et moi je pourrais poser les questions de façon subtile. Et pour ce qui est de l'autorisation d'être ou non avec elle, je pense que j'improviserais le moment venu. 

 - Mais comment expliquer ça à ma mère ? 

- Je pense savoir ce qu'on va lui dire.  

Elle sembla intriguée, mais ne chercha pas à en savoir plus. 

- Nous n'avons plus besoin de ça. Ajoutai-je en pointant du doigt la petite fiole. 

- Tu as raison, je vais la jeter.  Elle se dirigea vers le comptoir. 

- Gardons-la. 

Elle se retourna, surprise de ma réponse. Je hochais les épaules, synonyme de mon indifférence. 

- Elle pourrait nous être utile à l'avenir et tu l'as payé, ça serait dommage de simplement la jeter. 

Un petit rire lui échappa et elle poursuivit son chemin dans cette direction. Elle prit le flacon et le rangea dans l'un des tiroirs. Du collier qui pendait à son cou, elle sortit la clé pour verrouiller la serrure. Désormais, ce poison était à l'abri des regards indiscrets et ainsi, il ne pourrait pas tomber entre de mauvaises mains. Peut-être qu'il nous sera utile, mais en attendant, j'espère juste que ça sera un souvenir perdu parmi tant d'autres et qu'un beau jour on ne se souviendra plus de son existence.   

Entre deux mondesWhere stories live. Discover now