Chapitre 1

3 0 0
                                    


Dernière année de lycée. J'entrai dans la phase la plus stéréotypée de ma vie. Allais-je rencontrer mon grand amour ? Ou cet ami qui partagerait ma vie pendant au moins une vingtaine d'années encore ? Trouverai-je ma voie ? Ma destinée ?

J'en doutais si fortement que le simple fait de dire que j'en doutais était un pur euphémisme.

D'entrée de jeu, je partais avec un énorme handicap dans cette phase. J'avais une étrange addiction assez glauque pour des choses pas vraiment légales.

Évidemment, j'aurai pu préciser que j'étais tombé dans l'alcool et la drogue depuis la mort tragique d'un parent proche, ou pour me rebeller contre ma famille, la société même. Mais ce n'était rien de tout ça. Parce-que je n'étais pas tombé là-dedans. Je n'étais pas une de ces camées en cours qui s'amusait à faire des tresses avec ses pointes en s'extasiant sur la couleur rouge de son stylo. Non, non, je n'étais rien de tout cela. Mon groupe d'amis, ou plutôt ancien groupe d'amis aurait pu me qualifier de "déchet" mais je n'en étais pas encore à ce stade, car mes notes se maintenaient à la moyenne et j'avais encore devant moi certaines portes ouvertes.

Devant mon miroir, je me répétais ces mots encore une dizaine de fois. "Tu n'es pas tombé dedans parce-que tu ne fais pas partie de ces pitoyables ados qui finissent à l'autre bout du pays chez une tante catholique pour que leur crise se calme. Tu n'es pas en crise. Tu aimes t'amuser, simplement."

Non, je n'étais pas pitoyable. J'étais devenu fêtarde. À dix-sept ans après tout, qui n'avait jamais pris de pilule de sa vie ? Ou ne serait-ce que tirer sur un joint ? Certes, ma vie n'était pas une suite de fierté, loin de là. Ma première fois n'aurait jamais été digne d'un film d'amour, mon premier baiser ne serait même pas apparue dans une série bas étage, sans même parler de ma vie qui ne méritait ni romans ni nouvelles. Mais je n'étais pas pathétique.

_ Charlie, bouge-toi, tu vas être en retard !

Je sursautais. Mon reflet me fit presque peur.

_ J'arrive, râlais-je.

Un dernier coup de brosse dans mes cheveux récemment décolorés. Visant à l'origine un blond platine super sexy, j'avais eu un résultat tirant sur le jaune, ce qui avait entraîné une coloration brune par-dessus ; qui me donnait plus un air de Mia Wallace raté qu'autre chose.

En sortant de la salle de bain, je tombais nez à nez avec Sam. Mon incroyable grand frère. On ne s'était jamais entendu. Ni enfant, ni adolescent, ni maintenant, alors qu'il était censé être le plus mature de nous deux. Ce n'était pas non plus la plus grande réussite de la famille. Après la fac, il s'était trouvé un job de barman à Atlanta. Soit à l'opposé de notre pavillon dans un quartier résidentiel ni chic ni pauvre d'Héléna, dans le Montana. J'étais arrivé chez lui à la mi-été. Il avait réussi à me dégoter un merveilleux job de lycéen en tant que serveuse dans un pauvre restaurant mexicain au bout de la ville.

J'aurai pu raconter que j'étais arrivé chez lui, aussi loin d'Héléna, après la mort tragique de mes deux parents dans un accident auquel j'avais miraculeusement échappé. Mais ce n'était pas le cas. Après avoir découvert un sachet de cocaïne, mes parents avaient jugé préférable de me faire changer d'air. Et donc de m'envoyer loin d'eux. Le plus loin possible. Sam ne s'était pas proposé pour m'accueillir, et m'avait d'ailleurs bien signifié que j'étais pathétique d'être tombé là-dedans et qu'il était hors de question d'avoir ce genre de choses chez lui. Mais il n'avait pas eu le choix. Mes parents avaient d'autres chats à fouetter qu'une adolescente en chute libre. Sam aussi d'ailleurs, mais ce n'était pas le problème de mes parents. Ma plus jeune sœur, Lisa, hésitait encore entre Harvard et Stanford, il fallait qu'ils soient là tous les deux pour la conseiller au mieux. Evidemment.

Une vie comme les autresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant