Chapitre 1

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11 Mars 2020

Je descends de la voiture et regarde devant moi. La gare de notre village est minuscule. Il doit y avoir seulement un train par jour y passant. Et aujourd'hui, je le prends. Pour la première fois de ma vie, je quitte ma ville natale. J'habite dans le genre de village, et le genre de famille, qu'on ne quitte jamais avant d'avoir quarante ans. En réalité, mes parents se sont rencontrés à Helleville, mariés à Helleville, ont acheté leur maison à Helleville, bref, tout est à Helleville. Je suis née également ici. Mais depuis peu, j'ai décidé que tout allait changer. Je pars d'ici. J'ai besoin de changer d'horizon. De ne plus me souvenir de tout ce qui a pu se passer ici. Je veux oublier Helleville.

-Tu as bien tout pris Aria ? Ton chargeur ? Et ton billet de train aussi ? Tu n'as pas oublié ton portefeuille j'espère ! Tu as un peu d'argent sur toi ? Tiens, prends vingt euros au cas où.

Je prends le billet en riant, ça peut toujours servir. On ne sait jamais ce qui peut m'arriver. Je serai seul, face au monde qui m'entoure. Imagine on me demande de l'argent dans la rue. Il faut bien que j'ai un peu de liquide non ? Je dois donner aux gens dans la rue n'est ce pas ? Sinon il se passe quoi ? Et puis, les pauvres, il faut bien que quelqu'un les aide. Ça fait peut être beaucoup vingt euros... Ok, Aria, concentre-toi, ne panique pas. Tout. Va. Bien. Se. Passer.

-Ne t'inquiète pas maman, j'ai tout ce qu'il faut. Ça fait des semaines que je prépare mes valises. Puis, je ne pars qu'a une petite centaine de kilomètres non ?

Ma mère fait les gros yeux. Mon petit frère juste à coté d'elle secoue la tête puis retourne les yeux rivés sur son portable.

-Une centaine de kilomètres ? Tu te moques de moi ? Bordeaux est à 1089 kilomètres très exactement. Ce n'est pas « qu'une centaine de kilomètres ».

Elle a pris une voix idiote pour m'imiter en grimaçant. Je ne peux m'empêcher de pouffer de rire. J'ai peur pour elle depuis que j'ai décidé de partir. Comment ça va se passer ? Elle n'a pas très bien pris ma décision de continuer mes études loin d'eux, loin d'elle, loin de notre petit cocon qu'elle s'efforce de crée depuis des années. Elle avait beaucoup pleuré et crié. « Comment tu vas faire ? Tu n'es jamais allé plus loin que ton lycée. Tu ne vas jamais réussir à vivre seul. Imagine tu tombes sur des personnes malintentionnées. Et Bordeaux ? Tu es sûr ? Ça fait loin tout de même... et puis, c'est une très grande ville ! ». J'ai expliqué à ma mère qu'à 18 ans on était largement capable de se débrouiller seul. Egalement que je pensais être capable de ne pas me faire avoir par n'importe qui. J'avais ajouté que Bordeaux n'était pas si loin en train. Que je rentrerai à chaque vacances et l'appellerai tous les jours.

Nous avions regardé ensemble l'université de mes rêves. Et j'ai pris un billet de train pour le 11 Mars 2020. J'ai mis un mois à tout organisé, faire mes valises et me renseigner sur la ville. Ma mère a eu le temps de vérifier une demi-douzaine de fois tout ce que j'avais mis dans ma valise. Ce mois fut rempli de doute. Je partais seul, je n'avais pas ma famille, ni mes amis. Et je ne connaissais absolument personne à Bordeaux. Dans quoi je m'embarquais ?

Nous sommes ce fameux 11 mars, je suis devant le train. Il est l'heure que je dise au revoir a ma mère et mon petit frère Gabin. Je leur souris. Ils vont me manquer mais j'ai tellement hâte de vivre seul, de quitter ce village et vivre ma propre vie.

Ma mère lance un regard noir à mon frère qui est toujours sur son portable. Apres une tape derrière la tête, il lève enfin les yeux vers moi. On se fait un câlin tous les trois et mon frère m'aide à monter les valises dans le train. Je fais un dernier bisou sur la joue de ma mère et monte à mon tour.

-N'oublie pas, tu m'appelles quand tu arrives. Si tu as le moindre souci, on monte dans le premier train. Tu as bien l'adresse de l'appartement ? Et ...

-Bisous maman. A bientôt. Aux vacances d'avril d'accord ? Je vous aime.

Je monte mes valises sur les étagères prévues à cet effet et je me précipite hors de la vue de ma mère. Je pense que sinon, elle ne me laissera pas tranquille.

Je regarde mon billet sur mon portable. Je suis à la place 11. Je m'y installe après quelques minutes de recherche. Je tourne la tête vers la vitre. Je sursaute quand j'y aperçois ma mère, le visage collé a la fenêtre. Ce n'est pas possible, elle ne me lâchera donc jamais ?

Je lui souris et lui faisant coucou, gênée. Tout le monde nous regarde. Heureusement pour moi, Gabin attrape le bras de ma mère et la dirige vers la sortie de la gare.

Enfin, je suis seule.

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