Partie III - Le Sud - Tout dire et hurler

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Quand il se réveille vers cinq heures du matin, Alexandre se retrouve avec trois messages sur son téléphone. Il fait un peu trop frais pour sortir dehors, mais en même temps, il n'a pas envie de réveiller Corentin.

Hier soir, après avoir planté la tente, manger une tonne de frite et répondu à l'appel de Sam, Corentin a décidé de le faire sortir. Le camping où ils sont est du genre à avoir une salle des fêtes et des soirées à thème, mais avec le Covid, il n'y a aucune activité de prévue sur le site. Par contre, il y a une piscine ouverte en nocturne. Ce qu'Alex trouve complètement stupide parce qu'on peut autant chopper un virus dans une piscine que dans une boîte de nuit.

Ceci dit, c'était assez cool, et ils ont fait des longueurs jusqu'à la fermeture, à minuit. Le jeu consistait surtout à éviter les gens qui étaient là plus pour se baigner que pour nager.

– Je suis sûr que c'était pas très légal leur truc, a fait Alex alors qu'ils remontaient l'allée pour rejoindre la voiture et la tente.

– Oui, mais tu as l'air moins tendu.

Il a dormi comme un bébé jusqu'à cinq heures, et depuis, pas moyen de se rendormir.

Le jeune homme finit par enfiler un pull et sa paire de baskets avant de sortir. Il va chercher du café à l'entrée du camping, avec du pain frais. La boulangerie n'ouvre qu'à six heures et demie, donc il a du temps pour... stresser.

Il laisse un mot à côté de Corentin histoire qu'il ne panique pas de se retrouver seul une fois réveillé, puis commence à marcher.

C'est étrange. Le camping est plutôt plein, même s'il reste quelques emplacements vides. Les tentes, les caravanes, les camping-cars sont là, à peine éclairés par l'aube. Tout est silencieux. À part un joggeur qu'Alexandre croise sur un des chemins ; sans doute insomniaque comme lui.

C'était le seul camping à avoir de la place, et le fait qu'il s'appelle le camping Arc-en-Ciel les a fait marrer. Ils en avaient besoin après un trajet long, des bouchons, et l'enfer de devoir faire le tour de la ville avant de pouvoir s'arrêter.

Le premier message vient de Pixie.

En fait c'est une photo. De Samuel en train de dormir, bavant à moitié sur son oreiller. Charmante image.

Alex – Ça t'arrive souvent de regarder les gens dormir ?

Il espère qu'iel a mis son portable sur silencieux, parce que sinon le message risque de lea réveiller.

Deuxième message de sa mère. Il le passe sans le regarder. Ce sera pour après.

Il arrive vers les aires d'activités et s'assoit sur un banc. C'est vraiment très beau comme lieu. Ils sont venus rarement ici avec ses parents. Sa grand-mère a tendance à peser sur les nerfs de sa fille, et donc également des garçons, les séjours ont donc toujours été plutôt courts. Et quand ils venaient, ils restaient dans la maison ou allaient jusqu'à la plage. Mathieu et Alex ont bien plusieurs fois demandé à se balader dans les calanques, surtout quand Alex a eu sa période Marcel Pagnol – dont d'ailleurs personne n'entendra jamais parler – mais entre sa mère stressée et son père fatigué de passer une semaine de vacances chez quelqu'un qui ne l'aime pas, ils ne l'ont jamais fait.

Le troisième message vient d'Aimi.

Et cela n'a rien à voir avec son activité de syndicaliste ou de militant LGBT. Non. Il parle d'inscription à la fac.

Merde.

Il s'est inscrit, bien sûr, en juin. En tout cas, il a payé, il a le droit de continuer son master. Sauf qu'il n'a pas contacté sa directrice depuis... depuis presque trois mois. Et qu'apparemment cela arrive à inquiéter même Aimi. Si Aimi est au courant, c'est que Pixie l'a prévenu. Parce qu'ils ne sont pas du tout dans les mêmes cercles sociaux à la fac. Qu'Aimi s'en fout un peu de ce mec cis gay empoté qui a choisi un sujet de mémoire politique sans jamais s'y être intéressé avant.

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