Chapitre 1

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Pour ce tout premier chapitre, je vous conseille d'écouter Don't know How d'Émilie Gassin :)
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—Jody, descends ma puce, j'ai quelqu'un à te présenter ! s'exclame ma mère, depuis les escaliers.

  Allongée sur mon lit, j'organise les photos de mon portfolio en prévision du prochain atelier du club de photos de la fac, dont je suis membre. Je m'interromps en l'entendant m'appeler et m'empresse de me lever, non sans vaciller.

  À quoi ça sert d'avoir deux jambes si c'est pour ne pas les utiliser correctement, bon sang ? je grogne silencieusement.

  Je me demande qui ma mère veut me présenter.
Elle me demande rarement de descendre, sauf lorsqu'elle a besoin de moi pour l'aider à faire quelque chose, ou pour passer à table. Elle me connaît et sait combien j'apprécie être seule, cloisonnée dans ma chambre, le nez perdu dans les photos des dernières expositions en vogue. Seule avec ma musique, dans mon monde.

  Autrement dit, cela doit être important.

  Impatiente de connaître ce nouveau visage, je dévale les escaliers deux à deux. Ma mère m'attend dans le couloir de l'entrée, près de la porte, silencieuse. J'avance vers elle timidement, ce qui la fait sourire. Une silhouette se tient dans l'embrasure de la porte, mais, comme ma mère se tient devant moi, je ne parviens pas à l'identifier.

  Le visage de cette dernière est peint d'un certain apaisement, dont je peine à déchiffrer la source. M'attirant à elle, elle me prend affectueusement la main, avant de se décaler.

— Je te présente ton père, Jody.

  Ma bouche reste entrouverte face à cette annonce. Je plisse les yeux d'un air confus, avant de la dévisager.

— Mon...mon père ?

  Mon cœur bat si vite que je crois qu'il va sortir de ma poitrine. La rationalité m'appelle à la raison. C'est impossible. Il ne peut pas être là. J'étouffe sous le poids de ce faux espoir. Ma respiration ne devient plus qu'un sifflement incertain et j'ai la soudaine impression que le sol s'écroule sous mes pieds. Mes mains, elles, se mettent à trembler, signe de mon état de choc.

  Pendant l'espace d'une seconde, je me laisse tomber dans l'illusion qu'il se tient bien devant moi, en chair et en os. J'explore d'un coup d'œil bref la forme de sa silhouette, les couleurs de ses vêtements et le modèle de ses chaussures, jusqu'à m'arrêter sur la chaîne accrochée à son cou. En y accordant davantage d'attention, je remarque qu'une inscription se lit sur le centre du médaillon argenté qui pend au bout de celle-ci. Ce constat me fait l'effet d'une décharge électrique. Six lettres y sont inscrites.

A R T E M I S

  Soudain fiévreuse, je recule d'un pas et relève brusquement la tête pour apercevoir le visage de l'homme qui se tient devant moi. J'étouffe un cri : il n'en a pas. Il n'a ni sourcils, ni bouche, ni yeux, ni nez. Son visage est dénué de tout trait humain, ce qui le rend terrorisant. Un cri d'horreur s'échappe de mes lèvres et je me retourne vers ma mère.

  Puis soudain, tout s'éteint. Le ciel s'assombrit jusqu'à devenir complètement obscur, et il m'est alors impossible de discerner quoi que ce soit.Mes joues sont désormais recouvertes de larmes, mon pouls s'emballe, pulsant violemment sous ma tempe.

  Ma mère a disparu.
  Ne demeurent que l'homme sans visage et moi.

  Je frémis quand sa main dessine le contour de ma mâchoire, avant de graviter autour de ma joue. C'est comme si tout mon système nerveux s'était brusquement éteint. J'ai l'impression que l'intégralité de mes muscles sont paralysés.

Buried in liesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant