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Une diffraction. Une clarté. De diaphanes nuages sombres. Qui tournent, devant mes yeux.

J'ouvre lentement les paupières. Les cligne. Les ferme à nouveau. J'essaie de réorganiser mes pensées.

Je ressens la présence de mes membres. De mon corps. Il paraît un peu lourd. Je remue mollement un bras. Je pousse une sorte de gémissement. J'entrouvre à nouveau les yeux. Les cligne. Je me consacre, en clignant des paupières par intermittence, à analyser ce qui se trouve dans mon champ de vision. Et, par déduction, à déterminer où je me trouve. On aurait dit... des éléments que je reconnais. Oui, de plus en plus nets. Il s'agit... il s'agit bien de ma chambre. Je mets quelques secondes à en être sûre. Je me trouve bien chez moi. Je gémis à nouveau, puis ouvre la bouche, et souffle faiblement.

Il me faut du temps. Mais je reprends petit à petit la maîtrise de mon enveloppe corporelle. Au fur et à mesure que je fais de lents mouvements.

La limpidité dans laquelle baigne la pièce laisse penser qu'il fait déjà jour dehors. Et que le soleil ne vient sûrement pas tout juste de se lever. Je m'étire, en prenant mon temps. Tout mon temps.

Ma clef a été déposée sur mon lit, à côté de moi. Sur les draps.

Je tente de me lever. Mon équilibre est fortement sollicité : mon corps est encore mollasson. Et j'ai froid. Vraiment très froid. Je grelotte.

Dès lors que je tiens sur mes jambes, je vais me passer une robe de chambre qui est accrochée dans la penderie coulissante. Ce n'est qu'après l'avoir enfilée que je me rends compte que je suis encore tout habillée.

J'ai dormi comme ça. Habillée. Ethan a dû me ramener en me portant inconsciente dans ses bras. Ouvrir la porte de chez moi avec ma clef, et me déposer délicatement sur le lit. Enfin, je suppose qu'il m'a portée. Je l'espère. Tel un vrai gentleman... un vrai prince charmant. Bon, on peut rêver hein. Il a sûrement demandé à ses complices de me monter chez moi. Bon, au moins il ne m'a pas laissée en plan, évanouie dans cet endroit dangereux.

Il m'a protégée et m'a portée (ou fait porter) jusqu'à la voiture. Puis il m'a ramenée chez moi.

Il me l'avait bien dit, qu'il ne laisserait rien de mal m'arriver.

Je me racle la gorge, ouvre la porte de ma chambre et me dirige vers la salle de bain. Une fois à l'intérieur je tourne le robinet d'eau chaude. J'humidifie un coton avec une lotion et je me le passe sur le visage.

Je tiens désormais mieux debout. J'ai encore froid mais à part ça je me sens comme ces matins quand je me réveille très tôt et que je n'ai pas beaucoup dormi. Avec une faiblesse peut-être plus importante, mais qui tend à se dissiper avec le temps. Je fais ma toilette sans me presser. Et me passe souvent les mains sous l'eau chaude.

Il me faut prendre le temps de retrouver mon état normal. Et pour ça, rien de mieux qu'une bonne douche. Je me glisse dans celle-ci.

*  *  *  *  *

Lorsque j'arrive et entre dans la salle à manger je trouve ma mère près de la cuisinière, en train de se préparer son café de l'après-midi. La fenêtre est ouverte et laisse filtrer le soleil.

— Je t'ai préparé à manger, du salé et du sucré, selon si tu préfères manger ou bien goûter directement, dit-elle gentiment.

— Merci, dis-je d'une voix pâteuse en tirant la chaise pour s'y asseoir.

Ma voix semblait peut-être inhabituelle, du coup ma mère me demande :

— Oula tu as fait quoi hier soir ? J'ai essayé de te réveiller plusieurs fois mais impossible de te faire ouvrir l'œil. Si tu n'avais pas passé ton temps à grogner dans ton sommeil j'aurais pu m'inquiéter. Mais là tu avais l'air bien vivante. Tu t'es couchée à cinq heures du matin ou quoi ?

— Hmm, je me suis couchée tard.

— C'est dommage, tu perds ton week-end.

— Oui je sais.

— Tu t'es bien amusée, au moins ? Si tu es sortie.

— Hum.

— Tu es allée où ? Avec Laetitia ?

— Mmoui, et d'autres personnes, en ville, dans le coin.

J'ai pas très envie de lui dire que j'ai suivi un mec dangereux dans les endroits les plus mal famés de la ville, j'avoue... meilleur moyen pour qu'elle ait une attaque. D'ailleurs si j'étais en couple avec Ethan, je sais pas trop comment je pourrais le lui annoncer. C'est pas trop le genre de mec dont elle rêverait pour moi. Elle préférerait un mec lisse et parfait, et une voie toute tracée.

Ma mère prend sa tasse de caféine et s'installe de l'autre côté de la table, en face de moi.

— Je vais peut-être avoir une opportunité pour un bon poste. Mais ce serait loin d'ici. Ça m'ennuierait de te laisser seule trop souvent. Je ne sais pas si tu peux faire preuve de suffisamment d'autonomie.

— Oh, tu sais je saurais me débrouiller. Prends ce travail. Je suis contente pour toi, vraiment ! Ce serait pour combien de temps ?

— Un CDD de six mois, renouvelable en CDI. Et c'est bien payé.

— Combien, mille six cents ?

— Mille huit cents. Ça nous ferait du bien de sortir du SMIC, avec les périodes de chômage qui ne sont pas très bonnes pour nos finances. Les CDD ce n'est vraiment pas une bonne chose.

Ma mère se préoccupe de boire son café, tranquillement, du bout des lèvres, en prenant son temps.

— Ne sors pas ce soir, il faut que tu sois en forme.

— Oui ne t'inquiète pas maman.

Elle finit par quitter la cuisine, tandis que je commence à regarder mes messages sur mon téléphone portable.

J'ai pris quelque chose hier soir, je ne sais pas exactement quoi mais c'était sûrement des stupéfiants. Heureusement Ethan avait veillé sur moi et s'était assuré que je ne consomme rien de vraiment dangereux.

Mais, n'empêche, il m'a quand même aidée à en prendre... ça reste un criminel, il ne faut pas s'attendre à autre chose avec lui.

La Panthère de LumièreWhere stories live. Discover now