3/35 Tinder

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26 août 2017


– Sarah, j'ai bientôt fini ! s'exclama Julie trop enthousiaste.

– Pf, j'ai tellement hâte de voir le résultat, soupirai-je sans entrain en tournant distraitement la page du bouquin que j'avais entre les mains.

– Qu'est-ce que vous faites ? interrogea Tomas d'une voix lointaine.

– De la merde, râlai-je.

– Mais pas du tout, renchérit Julie animée. Je lui fais un profil tinder !

– C'est bien ce que je disais, bougonnai-je.

J'entendis Tomas rire, Julie se plaindre parce qu'il la secouait, sa tête posée sur son ventre. C'était un samedi après-midi de la fin du mois d'août. Nous étions en train de prendre le soleil aux Buttes-Chaumont. Après un pique-nique tardif à base de chips, de tapenade et de rosé, Tomas s'était étalé de tout son long, la casquette rabaissée sur les yeux pour faire une sieste, Julie s'amusait sur son téléphone, et moi, je lisais un roman d'été à l'eau de rose allongée sur le dos, la prairie sèche me grattant les épaules nues.

Au loin, les écouteurs dans les oreilles et les mains dans les poches, le frère de Tomas piétinait dans l'herbe. Il nous avait rejoint il y a une demi-heure peut-être, mais à peine assis, il s'était relevé pour répondre à un appel important.

J'avais appréhendé de le voir débarquer, la dernière fois que nous nous étions fréquentés remontait à l'ultime jour des vacances en Bretagne et je gardais une image désagréable de sa silhouette orgueilleuse descendant l'allée de cailloux, de retour d'une nuit très mouvementée.

Mais, contre toute attente, il était arrivé détendu et son visage hâlé, avec une inhabituelle barbe légère de trois jours, nous souriait sincèrement lorsqu'il porta vers chacun de nous son poing tendu pour nous saluer. Il nous avait raconté sans prétention, son mois passé dans un village du sud de la France, sur le tournage d'un film où il y jouait un petit rôle, et s'enquit de nos étés, intéressé. Et puis il s'était éloigné en sautillant sur ses grandes jambes lorsque son téléphone avait sonné.


Vingt minutes plus tard, il s'était rassis avec nous, les jambes repliées près du torse, s'allumant une cigarette en arrachant quelques brins d'herbes sèches, quand Julie s'exclama fièrement :

– Ça y est, j'ai fini !

– Pitié non, me lamentai-je.

– Tom, tiens, regarde et dis-moi ce que tu en penses !

– Je participe pas à ça, moi, se moqua-t-il en repoussant le téléphone.

– Allez ! Mon simple avis ne suffira pas ! ... Bon, Daniel, j'ai besoin d'une vision masculine, dit-elle en se relevant vers le dernier arrivé.

– Qu'est-ce que c'est ? osa-t-il, un sourcil haut derrière ses lunettes de soleil.

– Le futur profil tinder de Sarah ! Et il lui faut des matchs !

– Ah, fut sa réponse.

Il allongea le bras vers le portable que lui tendait Julie tout sourire et se plongea dedans. Il releva ses lunettes qu'il coinça sur son front à l'orée de ses cheveux bouclés et analysa longuement, faisant aller et venir ses doigts rapides sur l'écran tactile. Je m'étais appuyée sur mes avant-bras, embarrassée de voir un inconnu juger mon profil sur lequel je n'avais eu aucune emprise et pour lequel je n'avais aucun intérêt, à priori. Sans relever les yeux, il dit :

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