35/35 Une envie de sushis

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16 août 2021

Je rentrais chez moi, distraite, remontant le courrier qui était maintenant envoyé à cette adresse. J'avais cédé. Et j'avais officiellement emménagé avec Daniel après des mois sans avoir remis les pieds dans mon studio.

    Il m'avait convaincu, ou plutôt parce que la douceur de s'aimer simplement était revenue entre nous, il m'avait mis un ultimatum stupide : soit je quittais mon une-pièce pourri que je payais une fortune et je rapatriais les dernières affaires que j'avais encore là-bas, ici, soit il ne m'accompagnait pas au mariage de ma cousine où nous avions été invités en juin. Je savais que son chantage était feint. Il ne m'aurait pas lâchée à quelques semaines de la cérémonie. Ni lui ni moi n'avions envie d'y aller, mais nous nous étions dit qu'à deux, nous pourrions le supporter, peut-être même s'y amuser.

    C'était il y cinq mois maintenant.

    Alors un week-end tranquille d'avril, j'avais fini mes cartons, j'avais démonté quelques meubles, j'avais trié ce que je voulais donner, et puis j'avais passé la porte le soir avec le reste de mes affaires.

    Pour la forme, Daniel avait sabré le champagne. Il trouvait toujours une bonne excuse pour ouvrir une bouteille de champagne. Nous avions gaspillé une stupide nuit blanche à vider les cartons, remonter les trois meubles, arranger les quelques bricoles, et remplir encore un peu plus le dressing déjà plein à craquer.

    Daniel avait râlé devant certaines de mes merdes inutiles. Je lui avais répondu que je pouvais les ramener dans mon appart' si ça le dérangeait tant, mon bail courait encore sur un mois ou presque.

    Lorsque mon réveil sonna pour indiquer la fin habituelle de mon sommeil au petit matin, nous échangeâmes un regard étonné mais complice d'avoir passé cette nuit-là à parler, rire et s'embrasser, sans autres préoccupations que d'être là, l'un avec l'autre. Et c'était exténuée mais heureuse que j'avais passé la porte de notre chez-nous.


    Depuis cinq mois, je vivais donc comme tous les jours d'avant, sauf que le maigre salaire de mon contrat négocié m'arrivait maintenant entier dans la poche et je pus enfin arrêter de recevoir l'aide financière de mes parents.

    Daniel refusa toujours catégoriquement que je participe aux frais de l'appartement. Je me mis alors à faire les courses. Il se moquait de moi quand je revenais avec mes achats bio de petites boutiques prétentieuses où j'avais trouvé du vin d'un petit vigneron local qui ne produisait que sans sulfites et qui cultivait ses petites vignes avec un cheval de trait. Cela nous fit au moins quelques soirées arrosées mémorables où nous finissions par mettre la musique à fond dans le salon pour danser comme des idiots.

    Par chance, mon contrat avait pris une tournure officielle et j'étais maintenant une employée véritable du Palais de Tokyo jusqu'au mois de décembre suivant. Malheureusement, cela voulait également dire que je pouvais tirer un trait sur des vacances estivale.

    Cela ne simplifiait pas la concordance de nos emplois du temps. Après plusieurs semaines de préparations sur Paris qui m'avaient ravies, Daniel était parti fin juin jusqu'au début de septembre pour un tournage important, son premier film en tant que premier rôle, qui se déroulait au fin fond du Québec. Autant dire qu'il n'était pas possible d'imaginer un week-end, seul temps libre qui m'était déjà rarement alloué, pour faire un aller-retour et lui rendre visite.

    De plus malgré la baisse de l'épidémie, le Canada était toujours aussi strict sur les entrées et sorties dans le pays. Nous étions déjà le 16 août mais je décomptais tous les matins le nombre de jours – vingt – qu'il restait avant que je ne le revoie enfin.


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