I | 𝐌𝐞𝐠𝐚𝐧

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I

𝙼𝚎𝚐𝚊𝚗

Feuilles mortes.

Je sens que cette garce va nous en faire une belle. Je parle des rumeurs qui circulent sur moi depuis toujours dans les couloirs, et même des spectacles qu'elle anime avec ses amies dans ces mêmes couloirs, ou en classe.

Je commence à écrire dans mon journal et me laisse guider par la voix que je ne peux pas utiliser, puis pose mon stylo en entendant la sonnerie retentir pour me lever d'un bond et sortir la première de la pièce.

Je déteste le lycée.
Je les déteste tous.
Je veux partir d'ici.
Je ne veux plus qu'on me regarde comme une bête de foire.
J'en ai marre d'être traitée comme de la merde.
J'en ai marre d'être prise pour ce que je ne suis pas.
J'en ai marre de devoir me taire car personne ne m'écoute.
J'en ai marre de devoir me cacher car personne ne me voit.

Je déteste par-dessus tout cette impression
d'être nue quand on me fixe, après m'être faite humiliée. Je presse toujours mon sac contre moi dans les couloirs par réflexe, me méfiant de chaque personne, de chaque geste, de chaque regard et de chaque bruitage.

C'est moi que je déteste, en faisant ça.

Mes pétales se sont refermées sur elles-mêmes
depuis que mettre un pied dans ce lycée créait une boule au milieu de mon estomac. Des gens passent en zieutant, ou d'autres restent plantés là à regarder ce qu'il se passe. Mais rien ne se passe, et c'est justement ça le problème.

Les mots gribouillés au marqueur noir sur mon casier, c'est donc ça le spectacle d'aujourd'hui. Je touche mon casier du bout des doigts. Les insultes, les surnoms, les dessins, tout est déjà sec.

Elles ont gagné, je vais devoir me taper une heure supplémentaire pour nettoyer tout ça. Je me rappelle d'hier, avant la fin de mon année scolaire de seconde.

Cachée dans une des cabines des toilettes pour filles, je m'étais recroquevillée sur moi-même pendant qu'elle frappait sur la porte de ma cabine pour m'en faire sortir. Certaines riaient, d'autres m'insultaient. Britanny, les bras croisés, attendait qu'on me l'a ramène à elle en regardant ses ongles fraîchement peints.

Je ne sais pas si elles le font par ennui, ou pour une raison quelconque, si ce n'est les raisons qui poussent Britanny à les dresser contre moi. Pour lui satisfaire, et gagner son amitié, sûrement.

Britanny Beckett est celle à l'origine de tous mes tourments scolaires. Pourtant, ce n'était pas le cas en début d'année. Aujourd'hui, je cesse de regarder derrière moi en me pinçant les lèvres et abandonne mon casier pour presser le pas vers la salle d'art délabrée, pour m'enfermer là-bas et n'en ressortir que quand la sonnerie retentira.

J'avais tendance à m'enfermer dans les toilettes, mais elles finissaient toujours par forcer la porte avec leurs coups de pieds et m'en faire sortir.

Alors dans la salle d'art vide au fond du couloir en travaux vide et lugubre, je suis tranquille. Mais le temps finit toujours par me rattraper à coup de massue. Je contourne de nouveau les couloirs en passant par les toilettes. Parce que quoi qu'il arrive, je resterai toujours fidèle à cet endroit. Un peu comme cette ville, finalement.

LA LUNE DE MES RÊVES - TOME 1Where stories live. Discover now