Partie Une

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Cigarette à la main, écouteurs dans les oreilles, Chan marchait lentement dans les ruelles désertes de son village de campagne. Les rues étaient désertes, les lampadaires éteints. Seule la lueur de la lune et des quelques fenêtres encore éclairées illuminait le bitume.
Il ignorait où ses pas le menaient, mais ça n'avait pas d'importance. De toute manière, il saurait retrouver son chemin. Il connaissait les rues comme sa poche, et ce n'était pas sa première excursion nocturne.

Il leva les yeux vers le ciel. Il n'y avait pas un nuage. Les étoiles brillaient, distantes et froides. Promesse d'un autre monde, loin et inaccessible.

Il exhala la fumée grise de ses poumons, dessinant au-dessus de lui un petit nuage terne. Puis, tirant sur sa cigarette, il emplit ses poumons d'un air chaud et épais, lui meurtrissant la gorge. Mais la douleur en était presque agréable, grisante en un sens. Il retint cet air douloureux autant qu'il le put, les larmes lui piquant le coin des yeux. Enfin, il souffla de nouveau.

Comment en était-il arrivé là ? Il n'avait à première vue aucune raison de se sentir aussi minable. Il avait un diplôme prometteur, une petite amie aimante avec qui il partageait une superbe maison, des parents qui le soutenaient... Pourtant, depuis qu'il avait fini ses études six mois plus tôt, rien n'avait plus de sens. Il avait beau chercher des jobs, aucun ne lui convenait. Les seuls dans lesquels il arrivait à avoir un entretien ne le recontactaient jamais. Il en était venu à douter de ses capacités, voir même de son envie de continuer dans le domaine. Il avait passé plusieurs années à trimer pour obtenir son diplôme, mais aujourd'hui il n'était même plus sûr que ça lui plaise toujours.

Bien-sûr, il en avait parlé avec sa petite amie Miyeon. Mais, carriériste, elle ne comprenait pas son questionnement. Et après plusieurs discussions, ce sujet devint sensible.
Leur relation autrefois si belle s'était noircie de son mal-être. Ils s'aimaient toujours, mais elle ne le comprenait pas alors que lui ne la comprenait que trop bien.

Il emprunta le chemin qui menait vers la rivière. Il aimait bien regarder la beauté des reflets de lune sur l'eau calme. Il s'assit sur le ponton qui traversait le courant et regarda les lignes blanches qui se dessinaient sur le liquide noir de nuit.

Il se perdit dans la contemplation, oubliant, s'oubliant. C'était plus facile ainsi. La douleur, la tristesse et l'incompréhension disparurent au tribut de la beauté inconditionnelle de la nature. De sa perfection imparfaite et de son ordre chaotique. Sa vie ne faisait peut-être aucun sens, mais peut-être était-ce tout simplement ce qu'était la vie. Les arbres, la rivière, la lune, tous n'avaient pas de réelles raisons d'être et pourtant, ils étaient là et continuaient tous les jours. Alors pourquoi était-ce si dur pour lui ?
S'oublier. C'était plus simple comme ça.

Il ferma les yeux.

Le temps défila sans qu'il ne s'en rende compte, comme toujours.

Ses AirPods s'éteignirent, et il fut contraint d'écouter la vie nocturne de cette nature qu'il aimait et enviait à la fois. Les oiseaux s'éveillèrent doucement à mesure que l'horizon se teintait d'un bleu plus clair. La nuit était presque finie et l'aube pointait derrière les arbres.

Les doigts endoloris de froid, il retira ses écouteurs, les rangea et sorti son portable. Cinq heures. Il devrait rentrer.
Il se leva difficilement, les membres engourdis. Mais alors qu'il entamait le chemin de retour, d'une démarche maladroite, son attention fut attirée sur la berge.

Un jeune homme aux cheveux noirs et en pyjama se tenait droit comme un piquet, les pieds à la limite de l'eau. Il regarda le ciel, puis au plus grand étonnement de Chan, porta un violon à son cou.

Il se mit à jouer.

C'était une mélodie que Chan ne connaissait pas. Ce n'était pas particulièrement beau, ni bien joué, mais le jeune homme ne se souciait guère de ses fautes. Il jouait avec un large sourire aux lèvres. Ses doigts glissaient sur l'instrument avec une sorte de certitude insolente. Son archet dessinait des va-et-vient ordonnés ne laissant rien paraître des fausse notes.

"Salut d'amour" - OS - HyunChanWhere stories live. Discover now