LA LUNE DE MES RÊVES - TOME 1

VIII | 𝐌𝐞𝐠𝐚𝐧

VIII

𝙼𝚎𝚐𝚊𝚗

Souvenirs.

—

— Ton manque ?

L'air s'est rafraîchi, mes cheveux ébouriffés et mes lèvres gercées ne me rendent pas vraiment présentable, mais il ne me voit pas. Il est derrière
son muret et je ne le vois pas non plus à cause de l'obscurité de la soirée.

Je me contente de d'écouter sa voix si familière  s'adresser à moi une nouvelle fois, car j'ai l'impression qu'elle répare mon cœur de petite fille.

Les lampadaires jaunâtres en dessous scintillent dans la pénombre, ainsi que quelques fenêtres d'autres bâtiments au loin. Les rues sont à peine fréquentées voire désertes, et les branches se font secouer par le vent tumultueux. Je reste à ma place, sans savoir où me mettre ni quoi dire, mais il comble rapidement le blanc en reprenant :

— La nicotine m'aide à dormir après une longue journée. Dit-il d'une voix grave qui fait frissonner mon épine dorsale. Qu'est ce que t'en penses ?

Moi aussi, c'est ce que je recherche, un refuge quelque part, dans quelque chose, comme le sommeil. Mais quand le sommeil met du temps à m'accueillir, je sors un briquet du placard de ma chambre et m'allume une cigarette.

— Je penses que tu as raison.

Il vient de me la voler, d'ailleurs. Au même moment, je crois l'entendre ingurgiter quelque chose. Et nous restons là, sans nous voir, pourtant les yeux rivés au même endroit. Le ciel, et plus précisément la lune. Sa lumière éclaire sa silhouette pas complètement enfouie dans l'obscurité, mais je ne peux toujours pas voir son visage, caché derrière la fumée qu'il exhale. Il est en train de fumer ma cigarette ou je rêve ?

— Tu ne veux pas connaître le nom de la propriétaire de la cigarette que tu viens de piquer ?

— Hm ?

— Le nom de ta voisine, si ça ne te convient pas de connaître le nom d'une de tes camarades de classe. L'éclaire-je en levant les yeux au ciel.

— Qui t'as dit que je ne connais pas ton nom ? Grogne-t-il d'un air méprisant.

Je déglutis sans savoir pourquoi. Je l'entends boire un coup avant de déposer brusquement
son verre contre le sol. Je me mord la lèvre inférieure, celle-ci étant à quelques endroits coupée à cause de ma douloureuse habitude
d'en enlever des fins morceaux de peau. Je
devrais songer à vraiment me procurer du baume à lèvre en ces temps de froids qui arrivent.

— On se connaît ?

Suis-je vraiment en train de poser la question qui me démange depuis qu'on s'est croisés pour la première fois ? Est-ce vraiment la première fois ?

Voilà la question que je me pose et que je veux lui poser, pour être sûre de me tromper. Devrais-je me lever ? J'ai finis par conclure en pressant le bout de ma cigarette contre la flaque d'eau de la pluie dernière à côté de moi que si je me penchais, il disparaîtrait comme la dernière fois.

— Tu n'es pas quelqu'un qui passe inaperçu d'habitude, alors pourquoi tu te caches ?

— Je me cache de mes souvenirs.