Lettre II

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"Lundi 16 octobre,

Mes chers enfants, écrire chaque jour me donne l'impression d'être près de vous. Chaque phrase, chaque mot, est comme une nouvelle étreinte. D'ailleurs, ce carnet duquel j'arrache vos lettres est mon seul compagnon. Le seul avec vous, à me connaître réellement.

Comment est mon visage ? Je n'en ai plus aucune idée. Dans chaque miroir que je croise je ne vois que l'ombre de mon reflet.

Finalement le seul moment pendant lequel j'ai l'impression de vraiment m'observer, c'est celui que je vis à présent. Ce carnet est mon miroir. C'est même plus qu'un miroir ! Ce n'est pas une simple glace qui nous montre ce que l'on pense de nous. Non. Ce carnet c'est le reflet de mon intérieur, il réfléchit celui que je suis, celui que peu de gens peuvent voir, celui que personne ne veut apprendre à connaître, celui que je suis vraiment.

À quoi bon passer des heures devant notre corps à nous contempler ou nous lamenter, si on oublie que notre physique n'est que la simple couverture de notre livre. Nombreux sont les vieux bouquins tout poussiéreux et abîmés qui, à l'intérieur, cachent un merveilleux conte de fée. Plus qu'on ne le pense les beaux manuscrits, doux au toucher et à la vue, ne valent pas mieux qu'une déchetterie.

Je veux que quand vous lirez ces lettres, vous ayez l'impression d'être en ma présence, comme si je vous racontais mes histoires de vive voix.

Je sais qu'envoyer mes lettres à la maison ne servirait à rien, votre mère ne vous laissera jamais les lire. Je les laisserai donc ici, dans ce placard où vous les avez trouvées.

J'espère que vous serez heureux d'avoir ces quelques traces de moi, et que grâce à mes lettres, mon souvenir perdurera à jamais."


319Où les histoires vivent. Découvrez maintenant