THE SOCIETY

3. Isabella

Isabella

Mon ange...Depuis combien d'années ne m'avait-il pas appelé ainsi ? Mes yeux s'embuent de larmes. J'ai mal, une douleur si intense que chaque parcelle de mon corps en est affligée. Mes yeux se posent sur le lit défait, sur cette fille dont la chemise peine à recouvrir son intimité, et enfin sur lui. Il est là, à quelques mètres de moi, si proche que je pourrais presque sentir la chaleur de sa peau et les effluves de son parfum. Six ans se sont écoulés, six longues années depuis la dernière fois que je l'ai vu, que j'ai entendu sa voix, que j'ai ressenti son toucher. À maintes reprises, j'ai rêvé de cet instant. Au travers ses lettres, chaque fois que je fermais les yeux, dans les méandres de mes rêves. Mais aujourd'hui, ce rêve s'est transformé en cauchemar.

Mes doigts se posent contre mon pendentif, je fais un pas en avant, ma bouche s'entrouvre mais aucun mot ne sort. Pourquoi suis-je en train d'hésiter ? Si je suis revenue à New York, si j'ai intégré Columbia, c'est uniquement pour lui, pour comprendre. Un an s'est écoulé depuis sa dernière lettre, une année entière où il n'a cessé d'obséder mes pensées.

Dis quelque chose Isabella.

- Liam, je-

Je sens deux mains maintenir mes épaules et me repousser avec brutalité en arrière. Mon dos heurte violemment le coin de la porte, me provoquant une forte douleur. Je relève la tête et me retrouve face à face avec une grande rousse plantureuse hurlant à quelques centimètres de mon visage. Je reste figée incapable de réagir, les mots refusant de sortir. Prise de panique, je fais un pas en arrière cherchant à m'éloigner, quand je sens sa main agripper mes cheveux et me tirer vers elle, causant une vive douleur. Un hurlement s'apprête à franchir mes lèvres lorsqu'une ne voix rauque et glaciale retentit, stoppant net tout mouvement.

- Bianca !

Mes yeux trouvent les siens, et une vague de nausée me submerge. Son regard est dénué de chaleur, glacial, me transperçant de toute sa froideur. De nouvelles larmes sillonnent mes joues alors qu'un rictus mauvais se dessine sur son visage.

- Arrêtes de perdre ton temps, elle n'en vaut pas la peine.

Elle n'en vaut pas la peine...cette phrase résonne en boucle dans ma tête. Des mots que mon père me répétait chaque fois que j'essayais désespérément d'attirer son attention. Je le regarde, et mes yeux s'écarquillent d'effroi. Son sourire n'a pas bougé, il est conscient, il savait exactement ce qu'il faisait en prononçant ces mots. Je recule d'un pas, puis de deux, et sans même m'en rendre compte, je dévale les escaliers.

Complètement désorientée, je regarde frénétiquement autour de moi. Des gens me bousculent, essaient de me parler, mais leurs voix me parviennent comme un murmure lointain. Mon champ de vision est flou, je ne parviens plus à distinguer clairement ce qui m'entoure. L'air se fait lourd, oppressant, je n'arrive plus à respirer. Une main se pose sur le bas de mon dos, et brièvement, pendant un court instant, je m'imagine que c'est lui, qu'il est venu me chercher. Mais lorsque je me retourne, je croise le regard paniqué d'Allison. Ses lèvres bougent, elle me parle, mais je suis incapable d'entendre ses paroles, noyées dans le chaos de mes pensées. D'un geste brusque, je me dégage violemment de sa prise, avec une violence qui dépasse mes intentions. Et sans réfléchir, je me précipite vers la sortie de la maison, courant aussi vite que mes jambes me le permettent.

Je cours encore et encore, jusqu'à ce que mes forces s'épuisent et que mes poumons me brûlent. Je m'immobilise au milieu de la route, le corps tremblant, les jambes flageolantes. Une goutte d'eau atterrit sur le haut de mon front, suivie d'une deuxième, puis d'une multitude d'autres. L'averse se déchaîne, enveloppant mon corps. Je reste immobile sous la pluie battante, mes vêtements collant ma peau, mes cheveux trempés recouvrant mon visage. Les larmes se mêlent aux gouttes de pluie, des sanglots s'échappent de ma poitrine et mes émotions déferlent dans un torrent inarrêtable. Pour la première fois depuis si longtemps, je laisse véritablement mes larmes exprimer ma tristesse.