chapitre cinq

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- La dernière séance d'essais libres de ce Grand Prix est fini. Comment s'est-elle passée? Quels pilotes semblent s'en sortir mieux? Dites moi ce que vous en pensez.
Micro et feuille en main.
Nous sommes quelque part dans le paddock à revenir sur les événements passés.
- Ce que j'en pense Maëlle. C'est que Sergio Perez est clairement sur son circuit. Il a réalisé une très bonne séance mais qui n'est pas suffisant pour battre son coéquipier. Ce qui annonce beaucoup de spectacle dimanche!
Lorsque je nous analyse. Nous sommes vraiment des journalistes. Le cliché. On ne peut pas prononcer un mot sans bouger nos bras tout entier.
Histoire de donner vie à nos propos.
- Soyez présents. Baku nous réserve beaucoup plus que l'on ne le pense.

La pause est enfin arrivée.
Le paddock tout entier est sur pause.
Les quelques restaurants sont remplis et moi je recherche mon collègue.
Cela fait quelques jours déjà que je n'ai pas passé plus de cinq minutes avec Samir.
La pause nous semble notre seule et unique chance.
- Elles sont pas si bonnes que ça..
Déçue de ma barquette de frites, à peine chaude.
On s'est assis sur une des tables de ce stand, au milieu de tout ce monde.
Près de la grande allée. Chaque personne qui y passe porte un t-shirt à l'effigie d'une des écuries.
J'aime voir les gens indécis. Qui ne se contentent pas d'une seule écurie.
Un mélange de plusieurs couleurs sur une seule et même personne.
Samir m'explique les nouveaux exploits qu'a réalisé sa petite fille ce week-end.
De sa façon de parler de sa fille, de la façon dont ses lèvres s'étirent malgré elles.
Je peux voir l'amour qu'il a pour elle. Il déborde. Dégouline tout autour de lui. Donnant presque l'envie d'avoir à son tour un enfant.

En sortant des toilettes. Je me regarde un instant pour éviter de sortir avec le pantalon mal enfilé ou pire le maquillage qui coule.
Devenir journaliste m'a appris à profiter de l'occasion d'avoir des toilettes libres.
En revenant vers mon collègue, je le retrouve sur son téléphone. La main près de sa bouche.
C'est en m'asseyant en face de lui que je remarque qu'il semble nerveux.
Tant qu'il ne relève pas les yeux vers moi et que je me retrouve à le regarder sans rien dire ni rien faire.
Qu'il remarque ma revenue c'est ce que j'attends mais ça n'arrive toujours pas.
- Qu'est-ce qu'il se passe?
La main posée sur ses lèvres. Il me voit enfin.
Il ne dis toujours rien.
Seulement il me tends son téléphone.
L'écran est allumé sur une page qui premièrement a l'air d'être un article.
- C'est toi?
J'attrape complètement son téléphone, l'approche le plus possible.
Mes sourcils se froncent. Le soleil ou bien l'incompréhension me pousse à le faire.
Une dizaine de photos défilent, dans un silence pesant presque étouffant. Je comprends qu'il s'agit bien de moi.
Pas à n'importe quel endroit ni avec n'importe qui.
Comme je l'avais redouté sa lumière m'a illuminée.
Je suis sous la lumière de Charles.
Il s'agit de Charles et moi buvant un simple verre.
- Oui.
Il m'arrache presque le téléphone me ramenant à cette table.
- Sérieusement?
Sans bruit et sans un mot j'acquiesce.
- Alors n'ouvre plus tes réseaux pendant un moment.
Tout à coup il m'agace presque. Je n'aime pas rester dans l'incompréhension sans qu'on m'aide à m'en sortir.
- Pourquoi? Qu'est-ce qu'il se passe?
Il pouffe de rire.
- Pour tout le monde de la formula 1 et même plus. Tu es la nouvelle copine de Charles Leclerc.
C'est à mon tour de pouffer de rire.
- Tout ça avec seulement des photos de nous buvant un verre?
Son regard se replonge sur son écran de téléphone.
- Non. On nous a filmé en boîte et tu étais là. Visiblement discutant avec les pilotes.
À l'écouter parler ainsi. J'ai l'impression qu'il y croit. Que c'est clair et officiel. Sa nouvelle collègue est déjà en couple avec un des pilotes.
- Lis ce qu'ils disent.
- Voici toutes les preuves..bla-bla-bla..Charles Leclerc est en couple avec cette journaliste française. Plusieurs fois vu ensemble..Maëlle a trouvé sa perle rare..
Ma perle rare?
Samir ne dit plus rien. Il est tout à coup silencieux.
- Mais c'est n'importe quoi. Je..Je suis pas avec lui. Il ne m'a même pas embrassé.
Je n'imagine pas ce que les gens doivent penser de moi.
- Qu'est-ce que les gens en pensent?
Le brun me regarde avec un regard dont que je ne lui connaissais pas.
Au fond de ses yeux il semble me crier de ne pas essayer de le savoir.
Ses yeux me font presque mal.
- Tu t'en fiches.

C'est à présent seule que je me décide de ne pas écouter mon collègue et d'ouvrir mes réseaux sociaux.
En effet je tombe sur des centaines de millers de notification différentes. Entre de nouveaux abonnements, de messages, de commentaires et d'identifications.
Lorsque le premier mot que je lis est une insulte. Je regrette.
Je me sens à peine réelle à cette instant même.
Les notifications ne font que continuer d'apparaître.
- C'est l'heure! Bien mangé?
Je sursaute à l'entente de sa voix. L'homme à la caméra me regarde, telle une petite fille perdue.
Peut-être car je dois l'être.
Je tiens mon téléphone près de moi, comme si je le cachais.
Peu importe il se remet à marcher.
- On y va Maëlle. On a une trentaine de minutes de direct avant le début de la qualification.
J'accélère le pas et arrive à son hauteur.
- D'accord.
C'est sous les projecteurs de la rumeur que je me dirige aux garages.
En réalité ces projecteurs me semblent plus être celles d'un interrogatoire oppressant.

C'est avec l'estomac retourné que je réalise le direct. Sans aucune faille et avec un sourire éclatant.
Malgré le sentiment d'être observée et jugée qui me colle à la peau même lorsque je ne me tiens plus devant cette caméra.
Que je suis loin des garages et loin des médias.
C'est sans compter mes collègues curieux.
- On parle beaucoup de toi. Tu es devenue célèbre.
Son arrogance me fait presque mal.
- Malgré moi.
- Il n'y a rien de mal. C'est déjà arriver une relation entre une journaliste et un pilote.
Je regarde autour comme à la recherche d'une issue.
- Oui mais on est pas ensembles.
Il acquiesce en silence mais avec un sourire naissant.
J'ai l'impression que lui aussi semble être convaincu.
L'impression qu'ils connaissent tous ma vie mieux que moi. Mieux que la principale concernée et la seule.
Tout ça me donne qu'une envie. C'est de rentrer.

Le moment que j'ai tant attendu arrive enfin.
Le moment durant lequel je ramasse toutes mes affaires, ma caméra que je n'ai pas utilisé. Tout ça dans mon sac.
Pour enfin quitter le circuit.
Nous sommes en fin d'après-midi et le ciel est déjà teintée de rose. La lune montre le bout de son nez et bientôt les étoiles parsèmeront le ciel.
- À demain.
C'est un simple en revoir. Je n'y ajoute pas une fausse joie ni une fausse empathie.
Je tourne les talons et les quitter sans me retourner à l'allure d'une femme pressée. Attendue chez elle par un mari, par deux petits enfants qui se jetteront dans ses bras une fois la porte ouverte.
Pourtant personne ne m'attend et une voix me fait sursauter.
Il s'agit d'une femme à quelques mètres de moi, portant un t-shirt à l'effigie de l'écurie rouge.
- Excusez-moi?!
Je peux entendre l'accent italien dans sa voix.
Il ne me faut pas longtemps pour comprendre qu'elle s'adresse à moi. Personne ne se tient derrière moi.
- Oui?
- Vous avez une minute?
J'acquiesce et elle se mets à croiser les bras sur sa poitrine.
- Dites moi? Comment est-ce que je peux vous aider?
Elle tient son téléphone en main encore allumé.
- Je représente Ferrari et l'agent de Charles Leclerc. Vous avez été vu avec notre pilote et l'histoire a était médiatisée par une dizaine de médias dans le monde.
La femme parle sans reprendre son souffle et il me semble que je perds tout l'apprentissage de l'anglais en un instant.
Tout ça va trop vite. Je ne comprends pas.
- Inutile de vous le dire que tout et n'importe quoi se dit. Nous ne pouvons pas laisser passer des rumeurs sur notre pilote. Il représente la marque..Alors je vous demande de suivre la version que nous allons donner aux médias.
Aucun mots ni son ne sort de ma bouche.
Elle est là, devant moi avec une confiance et une assurance qui me fait sentir toute petite.
Qu'est-ce que je suis censée répondre à ça?
Il n'existe pas plusieurs versions des choses.

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