Première partie

47 18 33
                                    


Une rose noire. J'eus la bonne surprise de la trouver dans un vase sur la table du salon. Avec un sourire, je compris que c'était ma femme, Amélie qui l'avait déposé là. Je me penchai sur elle pour respirer son parfum. Sa douce odeur me ramenai en enfance, à l'époque où j'étais assez insouciant pour galoper dans les champs toute la journée. En replaçant la fleur, un petit mot plié en deux s'échappa  des pétales et se logea sur la table.

En le dépliant, je constatai qu'il s'agissait d'un mot de mon épouse. Ce dernier disait, «Je ne rentre pas ce midi alors voici une compagnie toute aussi agréable ! À ce soir mon amour !».  J'étais amoureux même de son écriture. Avec un sourire, je replaçai le bout de papier à sa place et j'entrepris un peu de ménage pour m'occuper durant ce samedi.

Depuis que nous avions fêté ensemble mon anniversaire, nous n'avions pas eu le temps de ranger notre maison. Ma femme étant avocate et moi médecin, nous étions très pris tous les deux par le travail. Je comptais bien profiter de ce jour de congé pour tout nettoyer convenablement.

J'optai pour une tenue ample et confortable me permettant d'être à l'aise. Je mis mes lunettes sur mon nez et arrangeai ma chevelure brune. Mes cheveux commençaient d'ailleurs à devenir trop longs. Je me munis d'un balais, prêt à mener une bataille contre la poussière.

Deux heures plus tard, je me jetai sur mon lit exténué par ces heures de tâches ménagères. En consultant mon téléphone, je vis un appel en absence de mon meilleur ami Oswald. Un sourie apparut sur mon visage poussiéreux. J'avais rencontré Oswald en école de médecine et nous ne nous étions plus jamais quittés depuis. Notre complicité n'avait jamais failli et je savais que je pourrais toujours compter sur lui. Ce fut donc sans aucune hésitation que je pressai le bouton "rappeler" de mon smartphone.

Nous discutâmes de tout et de rien pendant tout l'après midi. Il me parla de nos amis en commun, de ses disputes de couple et de ses vacances au Brésil. C'était toujours un plaisir de parler avec lui. Cependant, en voyant l'heure filer, je mis un terme à la conversation pour aller préparer le repas.

L'horloge indiquait huit heures passées. C'était très étrange, Amélie aurait dû être rentrée depuis une heure. Sans trop y prêter attention, je me lançai dans la préparation de son repas préféré en attendant son retour : des pâtes. Je la revois encore me dire «c'est simple et efficace ! » en rejetant en arrière sa chevelure blonde. C'est donc le sourire aux lèvres que je me lançai dans mon art culinaire.

Quand le repas fut prêt et le couvert mit, mon épouse n'était toujours pas rentrée. Inquiet, je pris mon téléphone et composai son numéro.

Une sonnerie.

Deux sonneries.

Trois sonneries.

Dix sonneries.

La messagerie.

Une pierre tomba dans mon estomac. Amélie répondait toujours au téléphone dans toutes les circonstances. Mon cœur s'emballait, mes membres tremblaient si bien que j'eus du mal à recomposer le numéro. Après la minute la plus anxiogène de ma vie, je retombai sur la messagerie.

Mon sang ne fit qu'un tour. D'une main je pris ma veste, de l'autre mes clés et je sortis en trombe de chez moi sans prendre le temps de fermer la porte. Je dévalai les escaliers quatre à quatre tout en refoulant les scénarios catastrophiques qui se bousculaient dans ma tête. Une fois dehors, je pris la direction du cabinet d'avocats d'Amélie. Ce n'était pas normal. Elle aurait dû être là. Elle aurait dû répondre.

Ignorant mes jambes douloureuses et mon souffle de plus en plus laborieux. Je continuai d'accélérer de toutes mes forces. C'était là. Au croisement de la rue. J'y étais presque. J'allais la revoir et lui demander ce qu'elle fabriquait avant de la prendre dans mes bras. Cette perspective me permit de franchir les derniers mètres.

Soudain, un bruit assourdissant agressa mes tympans. C'était des sirènes de police. Je reconnus aussi celles des pompiers. Hors d'haleine, je bousculai les gens sur mon passage pour me rapprocher. Il avait dû se passer quelque chose de grave. Soudain, un officier me bloqua la voie.

«- Vous ne pouvez pas passer. Il y a eu un meurtre» gronda l'homme en me gardant à distance.

Je l'envoyai au sol sans réfléchir. J'avais reconnu sa chevelure blonde. Par terre, boueuse et sale. Un cri de désespoir m'échappa et je me ruai vers la scène de crime.

Soudain, tout mon être se figea et un froid intense s'empara de moi.

Amélie était là. Les yeux grands ouverts, une expression de terreur sur son visage d'habitude si jovial. Son corps baignant dans une immense flaque rouge. Je vis sur sa hanche une immense entaille. Une goutte de pluie tomba devant mes chaussures puis deux. Impossible de savoir si c'était vraiment des gouttes de pluies ou des larmes.

Mes jambes me lâchèrent. Je tombai à genoux devant le corps de mon épouse, mes pieds baignant dans le lac pourpre. C'était impossible. Je rêvais. J'étais obligé de rêver. J'allais me réveiller. Amélie allait me proposer des pancakes au miel. On irait au parc. Le corps devant moi n'était pas celui de ma femme. C'était tout simplement impossible.

Un officier de police approcha. Je vis ses lèvres bouger mais aucun son ne me parvint. Je n'entendais plus que mon cœur battre la chamade, tout en sachant que celui de ma moitié ne pourrait plus jamais en faire de même. Je sentis quelque chose de briser en moi.

Soudain, tout est revenu. Le bruit des sirènes, la pluie sur mon visage, le sang sur mes mains. J'entendis  la question du policer. Il me demanda si j'étais son mari. Je répondis que oui, et il me dit qu'il était désolé. Je ne répondis pas. La tristesse était partie, la culpabilité également. Il ne restait plus qu'une soif. Une soif dévorante de vengeance pleine de remords et d'amertume. J'allais retrouver la personne qui avait détruit ce qui m'était le plus cher au monde et je le lui ferai payer au centuple. Le prix à payer était celui du sang. 

Rose noireWhere stories live. Discover now