Rose noire

Seconde partie

Mes recherches débutèrent par les clients d'Amélie. J'étais persuadé qu'il y avait de grandes chances pour que son meurtrier soit l'un d'eux. Je montai donc un dossier pour chacune des personnes ayant fait appel à elle dans la dernière année, ce qui faisait un nombre assez important de profils. Peu à peu, la rage qui m'avait envahi après le meurtre disparut. Je n'étais plus décidé à tuer l'assassin de ma femme mais plutôt à le livrer à la police. Tacher mes mains de sang n'était décidément pas une solution envisageable. Je savais qu'Amélie n'aurait pas voulu ça.

Cette pensée me vint tandis que j'arrosais pensivement la rose noire qui était devenue le dernier héritage de mon épouse. Le fait de voir ses pétales commencer à faner ne fit qu'alimenter le feu qui était en moi. J'allais retrouver cette ordure.

Pour mon enquête, je construisis parmi les clients d'Amélie une sorte de liste de ceux qui auraient  potentiellement pu lui vouloir du mal pour une raison ou une autre. Cette analyse méthodique me permit de créer une liste de suspects potentiels. Ces derniers étaient au nombre de 7. Cependant, je ne voulais ni me presser, ni faire d'hypothèses trop vite de peur de restreindre  ma pensée. Cette liste devait simplement me permettre d'aiguiller mes préoccupations. J'étalai ma liste avec des photos de chacun des suspects devant moi. Tous les documents provenaient des archives d'Amélie.

Les jours passaient et se ressemblaient. Je restais assis à même le sol au milieu de mon salon avec autour de moi un amas de dossiers, de photos et de notes griffonnées à la va-vite. Ma rose noire fanait en même temps que mes espérances.

Cependant, tout bascula en une seconde. Un après midi semblable aux autres, tandis que je secouais machinalement un dossier, une petite note écrite à la main s'en échappa. Dans un geste presque animal, je bondis pour la saisir. Mes mains furent prises de tremblements quand je reconnus l'écriture de ma femme, si bien qu'il me fallut un moment pour rassembler mes esprits et lire cette note. Les mots étaient écrits  d'une plume fébrile et inquiète, je le sus tout de suite. On pouvait lire ceci : « Il va tenter quelque chose j'en suis persuadée. Il va me tuer ». 

Mon souffle devint irrégulier. Plus rien n'avait d'importance. Rien à part le prénom inscrit sur ce fameux dossier : David Leroy.

Mon cerveau se brouilla. Je ne voulais plus rien savoir. Il fallait que je trouve cet homme. Je n'avais pas besoin de plus, je le savais j'avais compris. Cet homme avait assassiné ma femme, j'en étais maintenant persuadé. Cela ne pouvait être autrement. Cette note avait à mes yeux la même valeur que n'importe quel procès. En fouillant sa fiche client je parvins à trouver son adresse et sans plus attendre, je bondis hors de mon appartement, attrapant d'une main la fameuse rose noire qui me servait de compagnie. Je la fourrai dans la poche de mon jean.

Il n'aurait plus manqué que la fourrure pour que je sois totalement semblable à un chien enragé. La façon dont je courrais à en perdre haleine, la manière dont mes cheveux que je n'avais pas coiffé depuis des jours me cachaient la moitié du visage comme une fourrure sale, la force avec laquelle je bousculais tout ce qui se trouvait sur ma route mais surtout, l'avidité dévorante dans mon regard plein de haine.

J'entendais les rumeurs autour de moi, je sentais la salive dégouliner sur mon menton, je voyais le visage horrifié des gens. Mes jambes ne cessaient d'accélérer, je devais retrouver cet homme. Hors d'haleine, je m'arrêtai contre un arbre pour jeter un coup d'œil à l'adresse.  Je n'étais plus qu'à une rue de l'appartement de l'homme  et j'entrepris alors  de me calmer.

Hors de question d'aller voir cette personne dans mon état si je ne voulais pas être pris pour un fou. Je soignai rapidement mon apparence, respirai un bon coup et répétai dans ma tête mon discours. Je me présenterais puis je lui demanderais calmement des explications, même si l'idée de soutirer des informations à un criminel était assez comique en elle même.