Chapitre 12

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            Leurs cœurs s'emballèrent. Continuant sur sa lancée, Ben ouvrit la première page et commença à lire :

3 juillet de l'an 117 :

J'ai décidé d'écrire et de commencer un journal pour parler d'une superbe rencontre. Alors, cher journal, tu te douteras qu'il ne s'agit pas d'une rencontre anodine. Je pense qu'elle fait partie de celles qui changent les vies pour toujours. C'est enthousiasmant, n'est-ce pas ? En réalité, je suis simplement tombée amoureuse, mais je pense que c'est réciproque. L'heureux élu s'appelle Martin et il est le plus bel homme que j'ai rencontré. Mais là n'est pas le problème. Je suis à la tête d'une organisation. Pas très grande certes, mais qui feras de grandes choses, je te l'assure. Cette organisation est cachée, et est loin d'être légale. Je ne sais que faire. Lui imposer un amour dangereux ou lui laisser avoir une vie heureuse avec une autre ? Plus les années passent, plus je me rends compte que nos plus grands soucis viennent de l'inquiétude qu'on a envers ceux qu'on aime. Peut-être que si on n'aimait personne, on en serait débarrassés. En tout cas, c'est vrai pour moi. Bref, tout cela pour dire que je suis face à un dilemme, alors je te tiendrai au courant.

4 juillet 117 :

Cher journal, aujourd'hui je t'écris pour te dire que j'ai passé une autre journée avec Martin. Ça n'intéressera probablement personne, mais je suis heureuse de l'écrire. Je vais devoir lui parler de l'Organisation. Si tu pouvais parler, tu me dirais tout de suite de laisser tomber. Je ne peux pas. C'est un hommage à ma sœur. C'est pour elle la preuve que ce qu'on lui a fait ne restera pas impuni.

Elle a perdu la vie par amour, tu sais ? Je pense qu'elle n'est pas la seule dans cette situation. Je vais te raconter son histoire, pour que ma Margot vive à travers tes pages. Elle n'est pas bien longue en réalité. Elle est tombée amoureuse d'un homme, Simon, il s'appelait. Il était adorable, d'ailleurs. Il n'avait, selon moi, aucun défaut. Il était juste un brin maladroit, c'est tout. Pour les autres, son défaut c'était ses yeux gris. On se demandait comment ma sœur avait pu l'aimer. Il n'appartenait pas au même monde que nous et il ne lui réserverait pas une vie dont rêverait une bourgeoise.

Mais Margot se fichait de cela. Pour elle le bonheur ne dépendait en rien de ce qu'elle avait. Pour elle, le bonheur ne dépendait que de nous. Il est quelque chose que l'on doit se forger soi-même, elle disait, moi, j'ai déjà le mien, mais j'ai envie de l'agrandir en partageant mon œuvre avec Simon. C'était si beau, si romantique, si adorable, et si impossible.

Ils ont bien réussi à se marier en cachette et à avoir un fils. Il était particulier, leur fils, très beau, je ne le nie pas, mais particulier. Ses deux yeux n'avaient pas la même couleur. Le gauche était vert, le droit était gris. Une vie misérable, il avait ce petit. Il devait rester cacher. Si on le trouvait, il ne ferait pas long feu. Je l'aimais, d'ailleurs, cet enfant.

Il n'a suffi que d'une journée d'inattention, une seule, pour qu'il soit découvert. Le petit fut exécuté, sans la moindre forme de procès. Il était pire encore qu'un Exclu. Il était un sang-mêlé. La milice est vite remontée à ses parents. C'est allé bien trop vite. En moins d'une semaine, toute la petite famille a été exécutée. En moins d'une semaine, j'ai perdu ma sœur, mon neveu et mon beau-frère. Je les aimais tous.

J'ai décidé de ne pas laisser cet acte impuni. Alors j'ai fondé l'Organisation, en cherchant petit à petit d'autres personnes qui, comme moi, voulaient voir les choses changer. Voilà pourquoi je ne peux pas l'abandonner.

8 juillet 117 :

J'ai un problème, demain je dois sortir avec Martin mais j'ai aussi une réunion avec l'Organisation (il faut que je lui trouve un nom, d'ailleurs, on ne va pas pouvoir l'appeler comme ça éternellement). Ce genre d'ennuis se répétera, il va falloir que je lui parle de tout ça, il faut juste que j'attende le bon moment.

La Rose NoireWhere stories live. Discover now