Chapitre 6 : le choix de la Mort

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LASZLO

— Arrête d'être ridicule, Laszlo. Qu'est-ce que tu veux qu'il m'arrive ? Je serais en sécurité.

Le coude plaqué contre la fenêtre, le regard perdu dans la pluie qui n'a pas arrêté de se déverser sur le pays entier, je ravale un énorme soupir. Ma cravate enfoncée dans mon poing, je serre le tissu sans forcément me retourner vers ma grand-mère. Ses yeux verts, ceux que j'ai hérité, me transpercent cependant le dos au point où ils ont le pouvoir magique de m'y obliger.

Assise sur le rebord de son lit, une main posée sur la perche de ses perfusions, une once de colère déforme ses traits fatigués.

Je n'aurais pas dû lui parler de la proposition de Warren. Qu'est-ce que je croyais, après tout ?

Qu'elle allait être d'accord avec ma décision de rester ?

— Tu devrais y aller, tonne à nouveau sa voix.

— Mais je n'en ai pas envie, rétorqué-je en haussant les épaules.

— Pas de mensonges avec moi. Je sais très bien pourquoi tu as dit non et je ne l'accepterai pas.

Je lâche ma cravate dans mon fauteuil et retire mes bretelles en cuir de mon torse.

Je manque toujours trop d'air, quand il s'agit d'hôpitaux.

Ma grand-mère pivote pour me faire face lorsque je m'assois et poursuit de sa voix rocailleuse :

— Quand est-ce que tu vas arrêter de faire ça ? De toujours renier ta vie pour venir ici ?

— J'ai simplement dit non à un travail de babysitting d'élèves. Je viens à peine d'arriver à Etton, ce n'est pas pour partir tout de suite et les laisser se rendre compte que ma matière ne leur sert à rien.

— Arrête, Laszlo. Je ne te crois pas un seul instant !

— Et comment est-ce que tu veux que je te laisse ici toute seule pendant trois mois ?

Le cœur battant, je pointe mon nez dans la direction des poches remplies d'un liquide jaune, accrochées à sa perche à perfusions, deux de plus que ce qu'elle ingurgite déjà en temps général.

— Tu viens de commencer ton nouveau traitement.

Le désespoir marque l'émeraude de ses yeux, alors qu'elle cherche en vain quelque chose à redire. Parce que malgré les sourires, les câlins dont la douceur ferait blêmir des peluches et l'attention attendrissante d'une mère, Mam ne peut plus cacher la fatigue qu'engendre tout ce qu'elle subit dans les couloirs de cet hôpital.

Même avec moi.

Avec dépit, sa voix emprunte un ton plus mélancolique et essaye à nouveau de me raisonner :

— Ça te ferais du bien de ne pas avoir à venir ici tous les jours.

— Ce n'est pas une corvée, reniflé-je en sortant mon déjeuner de mon sac.

— Je sais que ça ne l'est pas, mais je pense aussi à toi. Tu as besoin de nouveauté. Et... Je suis on ne peut plus heureuse que tu as ce travail. Tu sembles vraiment épanoui. Mais s'ils partent avec la moitié de tes élèves, je suis sûre que tu passeras tout le temps que ça te redonne ici.

— Et donc ?

Elle se tait pendant une minute qui, figée dans l'éternité, ne me prépare pas à ce qu'elle me répond :

— Ce n'est pas parce que je suis condamnée, que tu dois l'être aussi. Tu es déjà passé par cette étape. Trop tôt.

— Ce n'est pas une compétition.

Once, We Flew.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant