LE ROI DU CRÉPUSCULE ➹ hyunchan [ En Pause ]

• chapitre 2

Le cœur battant la chamade, Hyunjin restait prostré sur la banquette de la voiturette. Dami, quant à elle, ne cessait de regarder par la petite fenêtre et de commenter tout ce qu'elle était en mesure d'apercevoir. Elle énumérait chaque détail de ce que la cité de Karanlik dévoilait au fur et à mesure que le convoi avançait. Des étals garnis de fruits de la région, de belles oranges, d'énormes melons d'eau et d'autres encore qu'elle ne pouvait nommer. Des commerces aux grandes ouvertures qui laissaient entrevoir des intérieurs somptueux aux plafonds drapés de mille couleurs. Certains vendaient des pierres précieuses, d'autres des tissus qui semblaient valoir une petite fortune. Ils passèrent à proximité d'un forgeron dont la musculature saillante sembla l'impressionner. Elle lâcha un rire concis quand elle mentionna une rangée de jolies demoiselles très peu vêtue, et elle ne manqua pas d'ajouter qu'elles devaient attendre des clients. Elle ne s'extasiait pas, mais Hyunjin pouvait déceler dans sa voix et dans ses yeux qu'elle était tout de même impressionnée par la richesse de la capitale de Sumrahk.

— Vous devriez y jeter un œil, dit-elle avec un mouvement de tête vers la fenêtre.

Hyunjin déglutit. Il avait bien trop peur de poser les yeux sur un homme ou une femme à la tenue révélatrice. Mais il ne faisait que retarder ce moment. Tôt ou tard, il sortirait de ce véhicule et devrait se confronter à la réalité. Il était condamné à passer plusieurs jours, même plusieurs semaines dans ce royaume, il devrait s'habituer aux tenues traditionnelles, aussi inconvenantes pouvaient-elles bien paraître.

— Je me contenterai de vos commentaires, dit-il.

— Je ne suis pas certaine qu'ils reflètent avec exactitude ce à quoi nous avons affaire.

Elle afficha un mince sourire et Hyunjin inspira doucement. Un peu plus tôt, il avait osé soulever le rideau, mais cette fois il préférait s'abstenir. Un puissant frisson lui parcourut l'échine lorsqu'une goutte de transpiration courut le long de sa nuque. Ses doigts gantés se crispèrent sur le tissu de son pantalon, tous ses sens étaient en alerte et il eut la sensation qu'il pouvait se liquéfier de peur et d'appréhension. Le convoi ne cessait d'avancer, doucement, et Dami continuait de décrire ce qu'elle voyait. Et il avait envie de disparaître. Pour un jeune homme qui n'avait jamais quitté le palais de Lustris, sortir dans ce lieu complètement étranger lui paraissait insurmontable.

Il saisit la gourde à côté de lui pour l'ouvrir, mais elle ne contenait plus rien. Aussitôt, Dami lui en tendit une autre qu'elle gardait dans un coffre sous la banquette. Il se rua dessus pour en boire la totalité du contenu. Un peu d'eau coula sur son menton qu'il l'essuya d'un revers de la main. Quand allaient-ils enfin s'arrêter ? Il l'ignorait. Il ne savait même pas s'il voulait que cet instant s'éternise ou s'il avait hâte d'arriver au palais du seigneur Bang Chan. Aucun des deux peut-être. S'il avait pu choisir, il serait resté enfermé à Lustris, chez lui, dans sa chambre rassurante entouré de ses livres d'Histoire. Il soupira lentement, comme pour retrouver une respiration normale, en vain. Il savait pertinemment qu'il avait pris la décision de venir, qu'il l'avait fait pour une bonne raison et qu'il irait jusqu'au bout de sa mission, même si désormais, il doutait de ses capacités.

Il devait rester focalisé sur la finalité, sur la récompense. Il le faisait pour Ausra, il le faisait pour son père, il le faisait pour avoir la reconnaissance qu'il attendait tant. Il voulait rentrer et voir la fierté dans le regard de cet homme difficile à contenter. Il voulait compter pour lui. Il voulait être plus qu'un bâtard.

— Les gens se retournent tous sur notre passage.

Le cœur de Hyunjin fit un bond dans sa poitrine. Une sensation à la fois douloureuse et agréable se souleva en lui. Il était curieux de voir tous les regards se poser sur le convoi. Il inspira à pleins poumons l'air chaud et étouffant de la voiture, puis il porta une main timide vers le rideau qu'il souleva à peine. Ses yeux s'écarquillèrent et il eut un mouvement de recul lorsqu'il constata que les habitants de Karanlik étaient là, à quelques pas de leur véhicule et qu'une simple fenêtre les séparait. Son regard croisa celui de quelques personnes et il resta subjugué par la beauté qu'elles dégageaient. Il ne remarqua même pas de quelle manière elles étaient habillées, davantage focalisé sur la couleur de leurs yeux perçants. Bleu azur, vert émeraude, ambre. Leur peau était plus foncée que tout ce qu'il avait déjà pu voir auparavant. Un teint hâlé rehaussé par des pommettes poudrées de nuances de rouge et de pêche, des lèvres brillantes et un regard surligné d'un fin et élégant trait noir. Leurs cheveux allaient pour la plupart du roux au blond très clair, mais certains se démarquaient par des chevelures brunes. Tous étaient parés d'une multitude de bijoux dorés ; des boucles d'oreilles, des colliers imposants, des bracelets sertis de pierres colorées.