Chapitre 4 : La Poursuite

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Les bouteilles vides s'accumulaient sur la table du moulin. Sous l'effet de l'alcool, l'ambiance se réchauffait. Des éclats de voix joyeux résonnaient à l'extérieur. Pris dans la fête, nos compagnons bavardaient sans se rendre compte du temps qui passait. Deux bonnes heures s'étaient écoulées pendant lesquelles ils avaient discuté de tout et de rien. Des sujets vitaux aux plus futiles, des aventures passées aux projets futurs, rien n'était épargné.

Maintenant, ils débattaient pour savoir lequel d'entre eux serait prêt, en cas de besoin extrême bien sûr, à avaler un escargot Goliath :

"Non, tu comprends pas ! Ce que je veux dire... c'est que personnellement, si j'étais vraiment affamé... affamé au point de ronger le mât de mon navire, tu vois ? Eh bien, je pense que..." défendait Lloyd. "Que... ?" répondit Venig dans l'attente. "Bah que je me farcirais sa gueule de gastéropode, et sans aucun remords !". "C'est des jaodre ça... " répondit Venig, dégouté.

"Mais non, pas du tout ! Écoute... D'abord, je le ferais bouillir dans un énorme chaudron, ensuite je le sortirais de sa coquille et enfin, je le découperais façon barbecue coréen ! Bon, j'avoue que je le regretterais probablement après... quand je serais accroupi, en train de me tenir le ventre au-dessus d'un trou. Mais bon, en cas de nécessité, il faut savoir faire des..." Venig l'interrompit à voix basse : "Lloyd, faut qu'on bouge. Tout de suite." "Qu'est-ce que tu me racontes ? Le gamin n'est pas stupide, il ne ferait rien d'inconsidéré. On boit un dernier verre et on le rejoint..." plaisanta Lloyd. Le regard de Venig suffit à le faire redevenir sérieux. Il se tut. Par un mouvement de tête, le Breton indiqua une ouverture dans le mur. Ils s'en approchèrent à pas feutrés. Lloyd ne comprit pas tout de suite ce qu'il voulait lui montrer.

Dehors, le ciel revêtait cette teinte brulée caractéristique du milieu de l'après-midi. Les vents soufflaient avec fougue dans les hauteurs, emportant les nuages et donnant l'impression d'une nuée d'oiseaux sombres en plein vol. Profitant de cette accalmie, la faune et la flore s'activaient avec ardeur. Une légère brise caressait les arbres, diffusant une agréable senteur de pin séché. Au loin, un petit bois s'élevait sur une colline délavée, ses cimes se confondant avec la teinte du ciel. Quelque chose attirait son regard vers les sommets, mais il ne parvenait pas à identifier précisément ce qui captivait son attention. Puis, il l'aperçut. Une forme quasi immobile, dissimulée parmi les conifères, astucieusement camouflée grâce à un alliage réfractant. Seules les hélices du drone trahissaient sa présence.

Depuis combien de temps les observait-il ? "Planqué comme un lâche", fulminait Lloyd en silence. Il fit un signe de tête à Venig pour lui indiquer qu'il avait repéré l'intrus, puis il désigna la sortie d'un autre mouvement de tête. Venig acquiesça et commença à décompter sur ses doigts. Trois... Il attrapa sa veste. Deux... Son sac à dos. Un... Ils se précipitèrent par la porte. Les environs du moulin étaient déserts. À leur gauche, l'ancienne route longeait la rivière. Les quelques arbres éparpillés ici et là ne fournissaient qu'un maigre abri. À droite, les restes de la rive aménagée les exposaient aux griffes de la machine. Alors, ils continuèrent tout droit, sans se retourner, fuyant le plus loin possible dans la direction opposée à leur poursuivant.

Après 500 mètres de course effrénée, Venig hurla : "À DROITE, LE BOIS !" et il tourna brusquement à tribord. Lloyd freina des quatre fers et le suivit de près. Un peu plus haut, de jeunes frênes gardaient l'orée d'un espace boisé qui longeait la côte. Ils s'y engouffrèrent avec soulagement. À l'abri des arbres, ils s'enfoncèrent sous le couvert des frondaisons pour reprendre leur souffle. Du coin de l'œil, ils guettaient leur poursuivant à travers le feuillage.

"Tu le vois ce ?" souffla Venig.

"Non, mais on l'a pas semé... Il doit attendre qu'on ressorte de là. Ou bien, il a déjà prévenu ses potes... et il y a probablement trois ou quatre cohortes de la GC qui rappliquent sur notre position en ce moment même. Dans tous les cas, c'est la merde", répondit Lloyd en enfilant sa veste.

Échos de la ZoneWhere stories live. Discover now