「 Chapitre 06 : Le temps d'une averse 」

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   Leur après-midi découverte s'étira jusqu'aux premières heures de la soirée, puis, une fois les vélos rangés chez la tante de Sunoo, ce dernier insista pour raccompagner son nouveau protégé — ou nouvel ami — jusque chez lui. Riki lui avait confié un peu plus tôt dans la journée que lui et sa famille vivaient dans un appartement au-dessus du restaurant. On y est un peu serré, avait-il dit, mais ça fait clairement l'affaire pour nos besoins actuels.

   Sunoo n'avait pas longtemps cherché à en apprendre plus, puisque le plus jeune n'avait pas l'air très à l'aise avec l'idée de parler de sa famille, mais il devait avouer qu'il se posait beaucoup de questions à son sujet. Déjà, Riki lui avait dit que c'était la première fois qu'il venait en Corée, mais il parlait tellement bien coréen qu'hormis son léger accent, on aurait pu facilement prendre son discours pour celui d'un natif. De même, il lui avait expliqué à demi-mots que le restaurant de sa mère lui avait semblé être une lubie soudaine de sa part, et que leur départ en Corée s'était fait très précipitamment. Est-ce que la famille de Riki appartenait à un gang de yakuzas en fuite recherchés par la police, ou un truc du genre ? Il avait entendu pas mal d'histoires sur le phénomène des yakuzas au Japon, et certaines étaient vraiment loin d'être rassurantes. Si sa famille était dans un gang de la sorte, est-ce que le jeune homme en faisait aussi partie ?

   Sunoo frissonna désagréablement à cette idée, et Riki le regarda en fronçant les sourcils, la mine inquiète :

« Tu as froid ? Tu aurais dû rester chez ta tante, au lieu de me raccompagner. Le temps est étrangement frais ce soir. »

   Le plus âgé secoua la tête de gauche à droite, avec un léger sourire. Il n'avait pas froid, son imagination était seulement un peu trop fertile. Riki, un yakuza ? Et puis quoi encore ?

   Ils parvinrent au niveau du petit restaurant, et Sunoo fit un petit sourire, soudainement un peu mal à l'aise. Étaient-ils censés fixer une nouvelle date de sortie dès maintenant, ou bien juste se saluer et se croiser par hasard une prochaine fois ? Le regard du japonais sur lui lui fit subitement se souvenir du tee-shirt clair qu'il portait encore :

« Oh, euh… Je te le rapporterai dès que je l'aurai lavé ! » s'engagea-t-il.

   Riki secoua la tête de gauche à droite avec un petit sourire :

« Pas besoin de te presser, ne t'en fais pas. »

   Un bruit de clochettes qui tintent les firent se retourner, et Sunoo sentit ses joues rougir quand il remarqua que c'était la propriétaire du restaurant. Il avait la mère de Riki devant lui, là, maintenant. Pourquoi était-ce si embarrassant ?

   Elle leur adressa un sourire et s'avança à leur rencontre, une boîte emballée dans du tissu entre ses mains.

« Bonjour. » fit-elle, d'un accent beaucoup plus marqué que celui de son fils, avant de converser quelques instants avec Riki en japonais.

   Sunoo lui répondit timidement, puis s'invectiva mentalement quand il réalisa qu'il ne saisissait rien à leur conversation. Pourquoi n'avait-il pas été plus attentif en cours de japonais ? Il était certain que Naeun aurait pu tout comprendre : elle était super forte en langues, et excellait en japonais et en anglais. Lui et Jungwon la qualifiaient souvent de monstre linguistique, tant elle avait de facilités quand il s'agissait d'apprendre de nouvelles manières de communiquer.

   La mère de Riki finit par se retourner vers lui, lui présentant la boîte qu'elle tenait entre ses mains :

« Qu'est-ce que…

— Pour te remercier d'avoir passé du temps avec mon fils. C'était très gentil de ta part. »

   Sunoo écarquilla les yeux, et secoua rapidement ses mains devant lui, un peu mal à l'aise :

Anagapesis ᵏⁱᵐ ˢᵘⁿᵒᵒWhere stories live. Discover now