Episode 21

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Je me faufilais à travers les lycéens qui sortaient de leur salle de classe.

Je marchais d'un pas décidé.

Je trottinais.

Puis je courais.

Je courais vers la salle d'histoire avancée, celle d'où Meryem sortait à la pause déjeuner. Je serrais les poings dans mes poches, regardant droit devant moi, alors que quelques personnes me saluaient dans les couloirs. Je devais absolument arriver à temps, pour elle.

Pour toi.

J'ai ralenti mon allure quand je me suis approchée de la salle en question. Le couloir commençait à se vider. Je respirais fort, et mon cœur cognait dans ma poitrine.

Je ne peux pas te laisser partir, ai-je songé.

Je me suis stoppée net devant elle alors qu'elle sortait de la salle de classe. Tout sur son visage montrait qu'elle était sur le point de toucher le fond mais elle s'efforçait toujours de ne pas le laisser transparaître. J'aurais aimé qu'elle ne force pas son sourire en me voyant. J'aurais aimé qu'elle arrête de prétendre aller bien alors qu'elle pleurait dans les bras de Mrs. Collins quatre heures auparavant. Et j'aurais aimé avoir le courage de la prendre dans mes bras sans rien dire.

- Hey, Novela, ça va? A-t-elle demandé d'une voix faible.

On voyait que les larmes avaient dévalé sur son visage. Ses yeux n'étaient plus maquillés, à part la pointe d'highlighter sur les coins internes, ce qui égayait un peu sa mine fatiguée, défaite.

- Oui, ça va, lui ai-je assuré, sans retourner la question.

Je me suis mordue la lèvre. Nous nous sommes regardées un instant, silencieuses.

- Je passais juste te voir, pour...

Mes mots se sont évanouis dans ma bouche. Noyés par le soulagement de la voir autant que par la peur de ce qui pourrait advenir ensuite.

Meryem passé une main dans mon dos alors que nous avons avancé de quelques mètres à travers les couloirs, silencieusement.

Ce n'était pas à moi qu'il fallait demander si cela allait, ce n'était pas à moi qu'il fallait passer une main affectueuse dans le dos. Pourquoi étais-je paralysée comme ça? Pourquoi ne pouvais-je pas lui délivrer tout ce que ressentais pour elle, enfin lui donner ce qu'elle méritait?

Elle aurait pu se laisser aller et me confier sa souffrance, et je l'aurais prise, pour la soulager. Mais à la place elle a continué à afficher ce sourire de façade. Cela était encore plus déchirant que de la voir fondre en larmes. Et je ne savais tellement pas comment l'aider que j'ai préféré penser que je ne le pouvais pas. Je me suis bornée à cette pensée alors que le lycée entier n'avait que son nom à la bouche et que personne ne faisait rien pour arrêter Monica. En une journée, elle était devenue Meryem Hamilton la peste, parce qu'elle était la seule personne à avoir osé dire tout haut ce les autres pensaient tout bas.

J'avais peur. Peur pour elle. Peur qu'elle décide de finalement rejoindre son père, où qu'il aille. Peur que je ne puisse plus être avec elle. Je n'arrivais pas encore à définir ce que je ressentais pour elle, mais j'avais envie que cela dure encore un petit moment... ou toujours.

Ce soir là, quand je suis rentrée chez moi, toutes les lumières étaient éteintes. Cela supposait donc que ma mère avait enfin repris le travail. J'étais bien mieux, seule dans cette maison trois fois trop grande. Je suis montée dans ma chambre, et mes yeux se sont posés sur le clavier que j'avais gagné à la tombola de Noël. Ce jour où Meryem avait momentanément disparu, et que je l'avais retrouvée enfermée, dans le noir, dans le local du bureau des élèves. Elle m'avait paru distante, ailleurs, mais elle s'était efforcée de me sourire. Un mot m'est soudain venu à l'esprit. Il sonnait plus juste que n'importe quel autre jamais écrit. Il nous décrivait, nous liait, elle et moi.

Ephemeral BlueWhere stories live. Discover now