Cécité [TOME 2]

Chapitre 10 | Marinette

— Adrien, je...

— Comment as-tu pu me faire une chose pareille ?

Assise sur son lit sous mon masque de Ladybug, je compresse les couvertures d'Adrien. Après le repas, Gabriel Agreste s'est retiré dans son bureau, nous laissant retourner dans la chambre. Il joue nerveusement avec son Miraculous. Une tension émane de son corps tout entier. Je culpabilise de le voir ainsi. Je tente de me justifier tant que possible :

— Je n'avais pas le choix, je ne pensais pas non plus qu'il irait jusque-là !

Me fiancer avec Adrien, ça n'arrivait que dans mes rêves. Cela devait être l'apothéose, l'ultime témoignage de notre amour, célébré aux yeux de tous. Ainsi, quand son père m'a proposé de me marier, j'ai cru halluciner. La seule ombre au tableau, c'est qu'il m'acceptait en tant que Ladybug, mais pas encore Marinette.

— Tu aurais juste pu demander quelques jours pour réfléchir, prétexter n'importe quoi, mais pas m'épouser comme ça, en un claquement de doigts !

Il est vraiment fâché, je me lève et cherche à attraper sa main pour le calmer, le rassurer sur mes intentions, mais on dirait que le moindre contact avec moi l'électrifie.

— Tikki, détransformation.

Peut-être le fait de me voir ainsi saura l'apaiser. Mon kwami s'interpose entre nous deux.

— Vous deux, il est temps d'avoir une discussion entre adultes !

Tikki tapote le front d'Adrien dans l'espoir de lui provoquer une réaction autre que négative. Celui-ci la jauge, grimace puis marche quelques pas vers son mur de fenêtres.

— Je ne cherchais pas à te blesser, je souhaitais juste réparer les erreurs commises à cause de nos identités secrètes. Tu ne voulais pas aider Rose ?

— Bien sûr que si, mais son licenciement, c'était le désir de mon père. Depuis qu'il t'a vue, il a changé du tout au tout, comme s'il n'y avait que toi qui importais !

La pointe de jalousie dans sa voix me perturbe.

— Marinette, je le connais, il n'a jamais été comme ça depuis la mort de ma mère, il s'est toujours refermé sur lui-même, à en oublier complètement mon existence ! Comment veux-tu que je garde mon calme quand il joue les beaux-pères parfaits devant toi et qu'il insiste pour que tu rejoignes notre famille ?

Il marque un point, le Gabriel Agreste que j'ai rencontré aujourd'hui est aux antipodes de celui que j'avais pu voir ces dernières années. Dans tous les cas, mon plan ne change pas, ce n'est qu'un léger contretemps, pour la bonne cause.

— Écoute, voilà ce qu'on va faire : tu ramènes Rose, je rapproche Yan de Gabriel. On fait semblant de préparer le mariage, puis j'annoncerai au Ladyblog ma décision de mettre un terme à tout ça, à cause de la pression et mes responsabilités de superhéroïne. Tout rentrera dans l'ordre.

Ce que je ne précise pas, c'est que nous devrons maintenir une distance entre nous suffisante pour ne pas éveiller les soupçons. Tikki se pose sur mon épaule, le visage compatissant. Adrien lève les yeux au plafond. Visiblement, mon plan ne lui convient pas.

— Et si c'était moi qui mettais un terme à tout ça ?

Il me faut un moment pour réaliser ce qu'il vient de dire.

— Q-Quoi ?

Collé à l'appui-fenêtre en marbre blanc, il promène son regard à travers la pièce, s'arrête sur chacun des jouets qui ont bercé son adolescence isolée.