PROLOGUE - Irina

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1er janvier 2022.

Le vent froid tente de s'engouffrer à travers les vêtements des passants qui marchent sur les trottoirs de Bordeaux. Leurs pas résonnent dans la pénombre dans un bruit de craquement. La couverture blanche de l'hiver s'est déposée sur chaque route, chaque chemin ou encore, sur les toits à proximité. La température a chuté et celle-ci est en dessous de zéro. Les nez rouges des habitants font leurs apparitions et la plupart tâchent de se recouvrir au maximum avec leur écharpe et leur bonnet. D'autres ont oublié de bien se protéger et courent à travers les flocons de neige pour de rentrer le plus rapidement possible. Les oiseaux ne chantent plus et le soleil, qui se couche, arrête d'éclairer le ciel depuis une bonne heure. Aucun d'eux ne daigne lever les yeux en l'air. S'ils le faisaient, ils apercevraient une jeune femme au bord du vide qui ne cesse de regarder l'horizon. Ils la toiseraient, alors qu'elle se demande s'il est préférable de sauter ou non.

Je baisse ma vue vers la ruelle qui se dépouille de son infime monde et découvre une dame et son enfant. La petite porte un manteau épais jaune et son bonnet est d'un bleu perçant. La tenue ne va pas du tout avec le reste, mais l'importance, c'est qu'elle sourit à sa mère.

Je l'envie tellement.

Un jour, j'ai été à sa place, je riais moi aussi. Mais ça, c'était avant qu'ils ne me prennent mon innocence et qu'ils me fassent dégringoler dans les enfers.

Je pensais que la fac m'épaulerait et changerait le cours de ma vie, mais il n'en est rien.

Je suis fatiguée.

Si fatigué.

J'aimerais que tout cesse, qu'on me vienne en aide. J'ai déjà essayé de parler, mais les gens n'en ont que faire de moi et de mes problèmes.

La seule méthode d'en finir c'est de sauter. Il ne me faudra que quelques secondes pour atteindre le sol avant de m'écraser. Je ne suis pas forte en calcul cependant, la chute est censée m'être fatale. Elle devrait me tuer sur le coup et je pourrais enfin dormir pour toujours. Je dresse la tête vers le ciel qui laisse place à la pénombre et inspire un grand coup l'air glacée, en fermant les yeux. Je tourne le dos au vide, puis lève les bras de chaque côté de mon corps.

— Trois...

Mon cauchemar va s'arrêter.

— Deux...

Je vais pouvoir les rejoindre.

— Un...

Ils n'auront plus personne sur qui asséner leur perversité morbide.

— Zéro...

Je me laisse tomber en arrière.

Tout semble aller au ralenti alors que je me rapproche de l'impact à une vitesse folle. Je n'ouvre pas les yeux et attends que tout soit fini. Trois secondes.

C'est ce qu'il m'a fallu pour me jeter vers la mort. Deux secondes, c'est le temps que je mets pour atterrir. Je frappe la neige épaisse qui recouvre le sol. Ma respiration se coupe un instant, mais une toux surgit subitement. Mon cœur ralentit, alors que je me sens toujours vivante. Quelque chose de doux et de chaud coule de l'arrière de mon crâne. J'ignore si j'ai réussi, mais je ne peux m'empêcher de contempler un instant le ciel étoilé, avant de les refermer.

C'est si beau.

Une étoile filante passe sous mes yeux. Je fais un vœu, qui ne se réalisera jamais, mais je le fais quand même. Je souhaite que tout cesse. Je veux d'une nouvelle vie. Une existence dans laquelle je serais forte, courageuse et sans pitié. Une vie dans laquelle je ferai payer tous ses enfoirés.

J'ouvre à nouveau mes paupières et ma vision devient floue à mesure que je cligne des yeux. La tête d'un homme m'apparaît soudainement. Il semble avoir mon âge. Il est brun, des cheveux longs, mais je ne distingue pas les traits de son visage. Ses lèvres bougent. Je tente de comprendre ce qu'il me dit, bien que mon audition change d'une façon presque inexistante. Alors que je me sens m'éteindre, j'articule mes derniers mots :

— Je veux vivre.

Je veux vivre TOME I : L'ange de la mort - Dark RomanceWhere stories live. Discover now