Des retrouvailles - Irina

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Quatre mois avant l'enlèvement.

Le reflet que me renvoie le miroir de la salle de bain est digne d'un film d'horreur. Les cernes marquent affreusement ma peau de porcelaine. Mes yeux bleus ont gonflé à cause de toutes ses larmes que je n'ai cessé de faire couler durant tout le week-end.

J'ai appris, vendredi après-midi, qu'ils feraient partie de la fac dans laquelle je dois étudier cette année. J'avais tellement pris sur moi pour avancer, malgré les humiliations et insultes que je subissais, mais il a fallu qu'ils viennent au même endroit. Je ne suis pas prête à affronter cela, du moins, pas encore.

Salope.

Putain.

Erreur de la nature.

Leurs paroles font toujours écho dans ma tête. Ils sont comme ce virus qui s'installe dans notre ordinateur et qui refuse de partir même en étant réinitialisé. Ils s'emparent de mon cerveau et le bouffent, de la même manière que des loups que l'on a affamés. Les mots détruisent tout sur leur passage, alors qu'ils ne font aucune blessure physique. Les gens ne pensent jamais à l'impact que cela a sur l'être humain. On les encaisse, tout en se taisant. On remplit un ballon d'eau lentement, le laissant grossir encore et encore. Puis, vient le moment où ce ballon n'a plus aucune place pour laisser la flotte s'infiltrer. À ce moment-là, il explose et se détruit sans aucune possibilité d'être recollé.

Je voudrais pouvoir retourner en arrière afin de postuler à d'autres facs. Si j'ai envoyé mon dossier à la faculté de droit de Pey-Berland, c'est pour Olivia et personne d'autre. Elle est ma meilleure amie depuis la maternelle et elle a aussi subi la même chose que moi. Nous avons surmonté cela ensemble, mais aujourd'hui, psychologiquement, les choses deviennent compliquées. Je tente tant bien que mal de l'aider à remonter la pente, mais il faudra du temps. J'ignore si elle sait que le groupe sera là ou non. Je n'ai pas préféré l'appeler pour le lui dire.

Un poing s'abat violemment sur la porte à plusieurs reprises, me faisant sursauter.

— Irina ! gronde mon père. Bouge-toi le cul avant que je te sorte d'ici.

— Je... O-Oui, je me dépêche, tenté-je de répondre, en portant mes mains à mon visage.

Mon cœur tambourine si fort qu'on a l'impression qu'il résonne entre ces quatre murs. J'ouvre le robinet et me jette un coup d'eau sur mon minois. Je replonge ensuite mon regard dans ce reflet.

— Dix mois. Juste dix mois, m'encouragé-je.

Je me redresse, inspire un coup, puis ouvre la porte et sors dans le couloir. Mon père se tient près de la rambarde, le regard noir. La porte de ma chambre se trouve à trois pas de ma gauche. Je déglutis avec difficulté. Je n'ose pas bouger, de peur de l'énerver. Il n'est pas rentré de la soirée et je sais qu'il n'est pas sobre au moment où il pose son regard haineux sur moi.

— Pourquoi te fringues-tu comme une putain ? siffle-t-il entre ses dents serrées.

Je baisse la tête pour regarder ma tenue, mais ne comprends pas ce qui le gêne. Je suis vêtue d'un pantalon noir, un tee-shirt ample et gris. Aucune poitrine mise en avant, aucun nombril en vue. Même si le temps reste ensoleillé, j'évite les vêtements courts. Mon père refuse ce genre d'accoutrement sous son toit et j'obéis, comme la fille bien éduquée que je suis.

Comme il me le répète souvent.

Voyant qu'il ne dit rien de plus, je fais un pas sur ma gauche et le quitte un instant des yeux. Ce qui est une très mauvaise idée. Il se précipite sur moi et plaque mon dos contre le mur froid du couloir. Son visage n'est qu'à quelques centimètres du mien et l'odeur de whisky me parvient. J'essaie de respirer le moins possible pour éviter de lui vomir dessus. J'ai grandi pendant trop longtemps avec cette odeur constante, qu'aujourd'hui, je ne la supporte plus.

Je veux vivre TOME I : L'ange de la mort - Dark RomanceOnde histórias criam vida. Descubra agora