L'entrepôt - Irina

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J'ignore comment nous arrivons, mais nous le faisons en un seul morceau. Mon cœur bat toujours à tout rompre, alors que le taré ralentit et pénètre sur le parking d'un immense entrepôt. Je reprends difficilement ma respiration, puis jette un œil dehors. Des camions de marchandise sont à quai en train de décharger d'énormes caisses. Il n'y a rien d'écrit sur leur bois et même les remorques des véhicules sont neutres. Plusieurs hommes armés semblent faire des rondes sur le bitume en ne portants aucun intérêt à notre voiture. Quand le regard de l'un d'eux me percute, je m'enfonce rapidement dans mon siège. Je peux entendre le conducteur rigoler face à mon geste. Je n'ose pas lever les yeux vers lui, alors je me contente de poser les miens sur ses doigts. Je remarque tout juste les bagues qui revêtent trois d'entre eux, dont l'une d'elles à un serpent gravé. Des veines ressortent sur le dessus de sa main. Dès qu'il sert plus fort le volant, elles apparaissent encore plus.

— Tu n'as jamais vu d'anneau de ta vie ? me questionne-t-il en enclenchant le frein.

Je sursaute en l'entendant me parler, complètement déconnectée du monde, et bien trop concentrée sur ce que j'admirais.

J'ai constamment eu cette fâcheuse manie de laisser mon esprit divaguer. Avant, je le faisais pour m'inventer des histoires de princesse, puis je les racontais à ma mère qui buvait mes paroles comme de l'eau. Elle était toujours ravie de m'écouter lui détailler l'imagination débordante que je possédais. Puis, je me déconnectais pour oublier ce que ces hommes réalisaient sur mon corps. Je ne ressentais et n'entendais plus rien. Dès qu'ils finissaient, je revenais lentement à la réalité et j'étais de nouveau moi, une fois qu'ils avaient quitté ma chambre. À vingt-deux ans, je ne sais pas si je serai capable de recommencer cette manœuvre. Il y a bien longtemps que je n'ai plus eu affaire à eux, mon père m'ayant laissé assez de répit pour pouvoir respirer. Je remercie les femmes qui sont attirées par sa personne et qui acceptent de le ramener chez elles.

— Tu comptes te fondre dans le décor, comme les caméléons ?

— Hum ? bruité-je à Aleksander, en ne comprenant pas de quoi il parle.

Quand mes yeux rencontrent ses iris d'un gris profond, des frissons parcourent mon épiderme. Il est debout, en dehors de la voiture, la tête assez penchée pour pouvoir m'observer. Mes joues chauffent de honte, tandis que je me dépêche de sortir à mon tour. Le vent frais de cet hiver engourdi mon visage. Je ne m'attendais pas à ce qu'une bourrasque soit présente ici. Mais avec les mouvements des véhicules et le large horizon à perte de vue, j'aurais dû m'en douter. Je découvre l'extérieur du bâtiment qui s'élève devant moi. De grands escaliers mènent à la porte. Je reste en retrait derrière lui, alors que nous commençons à les gravir. Il fume sa cigarette sans me jeter une seule œillade. Et je ne vais pas m'en plaindre.

Deux entrées en fer forgées se dressent devant nous et ne peuvent être ouvertes que par un digicode. Par réflexe, je détourne le regard alors qu'il compose le code. Même si je n'ai pas l'intention de venir ici par moi-même – d'ailleurs je ne suis même pas sûr de me souvenir de la route – je préfère ne pas connaître ses codes aussi importants. Un bip émet par le boîtier, attirant mon attention.

— Suis-moi, m'ordonne-t-il, en jetant son mégot.

Je continue de marcher derrière lui, dans un immense couloir au mur sombre. Le sol qui est en marbre, m'évoque beaucoup sa maison. Au bout de notre chemin, nous arrivons à un accueil où une magnifique rousse à la peau parfaite donne un coup de fil. Elle ne parle pas français et s'empresse d'écourter la discussion téléphonique pour se concentrer sur le taré. J'ignore ce qu'ils se disent, cependant, le comportement très aguicheur de la demoiselle ne passe pas inaperçue. Elle me rappelle bien trop Emeline et l'évocation de celle-ci dans mes pensées, augmente ma tension. Mon dernier souvenir d'elle remonte en novembre et ça a été un véritable cauchemar. Les sourcils froncés, le regard de l'hôtesse se pose sur moi, rendant ses iris bien plus sombres qu'ils ne le sont déjà. Je sais que mon visage a pâli à nouveau en me remémorant cette pensée et ce n'est pas passé inaperçu aux yeux de la jeune femme. Des pupilles grises me sondent à leur tour et là un malaise prend possession de l'instant.

Je veux vivre TOME I : L'ange de la mort - Dark RomanceWhere stories live. Discover now