Point final

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Cinq jours plus tard

Je n'ai pas fait un geste pour la retenir. Je l'ai laissée partir avec sa colère et sa déception. Sans un mot. La vérité, c'est que je ne savais pas quoi dire sur le moment.

Je suis absolument convaincu de ne pas vouloir d'enfant. Avec elle ou une autre femme, ce n'est pas contre elle. C'est juste une ligne rouge infranchissable pour moi. Et ce n'est pas franchement le genre d'information que l'on donne avant de commencer une relation avec une soumise... Parce qu'habituellement, les relations dominant/soumise sont plutôt courtes et ne portent pas sur l'engagement d'une vie. Enfin pas les miennes du moins. Je n'avais jamais envisagé que la nôtre allait tourner ainsi et il ne me serait jamais venu à l'esprit d'aborder ce sujet avec elle lorsque nous nous sommes rencontrés au début. Je savais bien que c'était une erreur de tout mélanger et que j'aurais mieux fait de cantonner ma relation avec ma soumise à un cadre purement sexuel comme j'en avais l'habitude jusque là... Mais ça a été plus fort que moi.

Au début, je pensais que j'étais juste pris d'un désir passager, bien que dévorant. Mais plus le temps a passé, et plus l'addiction est devenue forte. Si je suis parfaitement honnête avec moi-même, je sais bien qu'il y a désormais plus qu'une simple attirance charnelle entre nous. La question est donc de savoir si j'ai assez de volonté pour lui rendre sa liberté. La dernière fois que je l'ai laissée s'éloigner de moi, je savais qu'elle reviendrait tôt ou tard. Là, j'ai conscience que c'est la fin de l'histoire. Rideau.

Nos deux conceptions du futur sont trop incompatibles. Je ne vais pas tenter de la convaincre. Objectivement, il serait assez malhonnête de ma part de lui demander de faire abstraction de ses propres désirs pour se conformer uniquement aux miens. Après tout, elle n'est pas mon esclave et sa vie ne m'appartient pas, même si ce type de relations existe bel et bien dans l'univers du BDSM sans que ça ne m'ait jamais attiré. Je n'ai aucun droit de lui demander ce sacrifice-là. Puisqu'aucun de nous deux ne cédera, la voie est sans issue, notre relation est condamnée. Mais aucun de nous deux n'y a encore mis un point final. Qu'est-ce qu'on attend ? Bonne question. Ca fait déjà cinq jours. Cinq jours qu'elle ne m'appelle plus le matin comme son rituel de soumise le lui impose. Cinq jours que je ne l'ai pas touchée. Cinq jours de résignation. Cinq jours mornes qui laissent présager une rupture difficile.

Durant les dix dernières années, elle est la seule nana avec qui je suis resté aussi longtemps. Mes amis n'exagèrent pas ma réputation de séducteur. Pourquoi elle ? Parce qu'elle m'excite comme rarement je l'ai été, mais ça va quand même un peu au delà. J'étais d'abord tombé sous le charme de ses formes voluptueuses, sa candeur et sa docilité tellement enivrante lors de nos séances. Je le reconnais sans peine et je bande rien que d'y penser. Mais j'ai aussi été progressivement charmé par sa présence, son humeur lumineuse qui me fait sourire, ses petites effronteries verbales qui me donnent envie de lui coller une fessée. Quand elle n'est pas avec moi, je me suis même surpris plus d'une fois à aller vagabonder dans le dossier photo qui porte son nom dans mon téléphone pour combler le manque que j'avais d'elle. Si j'ai la faiblesse de les regarder maintenant, même ma main droite ne suffira pas à me soulager. Parce que ce qui me comble, c'est de la soumettre, de la contrôler, de l'avoir à ma disposition. Ma main ne peut pas faire tout ça à elle seule. Ce qui me comble, c'est de voir son sourire, entendre ses rires et ses soupirs, l'entendre râler puis gémir sous mes fessées. Une main ne peut pas remplacer ça. Et les souvenirs non plus d'ailleurs...

C'est pourtant tout ce qu'il va me rester, et à elle aussi. Je ne peux pas m'empêcher de trouver ça triste que ces longs mois de relation se terminent comme ça. Sur cette note amère.

***

Le lendemain soir

Je prend mon tube de dentifrice pour en étaler sur ma brosse à dent quand je me rend compte qu'il est vide. J'ouvre le compartiment amovible de mon miroir qui dissimule une armoire à pharmacie pour en attraper un neuf. Se faisant, mon regard croise le test de grossesse que j'avais acheté en double quelque jours plus tôt, avant que tout parte en sucette. Je décide d'en faire abstraction et m'apprête à refermer le placard avant de me raviser, de saisir la boite et de la jeter dans la poubelle. Qu'est-ce-que je vais bien pouvoir en faire maintenant de toute manière ? Ca m'agace, je n'arrête pas de tomber sur plein de petites choses qui me font penser à Élise chez moi.

BriceWhere stories live. Discover now