Chapitre 8 - Mick

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Le moteur ronronne doucement sous mes doigts alors qu'on prend la route du retour, Nina est silencieuse à côté de moi.

Je bâille, fatigué à cause du manque de sommeil. J'ai passé une bonne partie de la nuit à penser à la journée d'hier, à la tristesse que je voyais dans les yeux de Nina, et à mon propre chagrin d'avoir dû maintenir une distance entre nous.

La voir partir de la fête, seule, sans me dire un mot m'a fait un électrochoc. J'ai délaissé Flavia et ses amies qui avaient l'air d'avoir des plans pour la nuit, et je l'ai rejointe. Autant pour me rassurer sur son état que pour lui faire savoir que je dormirais seul. Je ne voulais pas qu'elle puisse m'imaginer l'oublier si vite.

Parce que je peux pas oublier.

Le silence est lourd dans la voiture. Je ne sais pas quoi lui dire, comment désamorcer tout ça. Je jette un coup d'œil vers elle, son visage est tourné vers la fenêtre, ses yeux fixés sur le paysage qui défile. C'est un contraste frappant avec la Nina que je connais, celle qui est pleine d'énergie et qui a toujours quelque chose à dire. Elle a toujours été une source de lumière, de vie, mais maintenant, elle semble éteinte.

À cause de moi.

Après plusieurs heures de route dans un silence pesant, on se gare devant le salon. En entrant, Fabrice et Benjamin nous accueillent avec de larges sourires.

– Alors, comment c'était ? demande Fabrice, ses yeux brillants de curiosité.

Nina et moi échangeons un regard, un accord silencieux se formant entre nous. On reste vagues sur les soirées, ne parlant que du salon et des tatouages qu'on a réalisés.

– Les flashs de Nina étaient incroyables. Elle a vraiment géré comme une pro.

Je lui jette un regard, essayant de renouer un dialogue entre nous. Elle me rend mon sourire, mais il n'atteint pas ses yeux.

J'ai vraiment tout foutu en l'air.

Après un déjeuner avec les autres, on reprend notre routine habituelle comme si rien ne s'était passé. Les clients viennent et partent, les dermographes bourdonnent, les habitudes reviennent. On continue à travailler côte à côte, mais sans discuter. Fabrice et Benjamin ne semblent rien remarquer, mais moi oui et ça me pèse.

En fin de journée, une fois le dernier client parti, je décide de faire quelque chose pour Nina. Je peux voir qu'elle a besoin d'une lueur d'espoir, quelque chose pour la faire sourire à nouveau. Après un coup d'œil aux garçons avec qui j'ai pu en parler quelques minutes discrètement, je me tourne vers elle.

– Nina, je commence, ma voix se brisant légèrement.

Elle se tourne vers moi, ses yeux cherchant les miens.

– T'es plus apprentie désormais.

– Quoi ?

– T'as géré ce weekend. Tu gères depuis longtemps, t'as plus besoin de moi.

– Quoi ? Non ! C'est...

Je vois la panique la gagner. J'ai l'impression que ma phrase a été mal comprise, alors je me hâte de continuer.

– On veut que tu deviennes résidente du salon. Tous.

– Quoi ?

Je lance un regard vers les autres pour qu'ils confirment. Fabrice se lève et se dirige vers elle.

– Tu joues dans la cour des grands maintenant, restes jouer avec nous, plaisante-t-il, en posant sa main sur son épaule.

Benjamin acquiesce et ajoute :

– On peut pas imaginer ce salon sans toi.

Je peux voir dans ses yeux la surprise, suivie par une étincelle de joie. Un sourire éclatant illumine son visage, faisant ressortir les taches vertes qui ornent ses pupilles.

– Vraiment ? elle demande, sa voix pleine d'espoir. Vous voulez tous que je reste ?

Elle appuie sur le « tous » et me fixe intensément, attendant ma confirmation.

Elle croit vraiment que je pourrais vouloir qu'elle parte ?

Je hoche la tête, en la regardant attentivement.

– Oui, je veux que tu restes. On veut tous que tu restes.

Elle se lève, se tourne vers chacun des gars et leur donne une grosse bise sur la joue, puis elle vient vers moi et s'arrête à moins d'un mètre.

– Tu restes ?

Sans que je m'y attende, elle se jette dans mes bras et dépose une énorme bise sur ma joue. Elle éclate de rire et se retourne vers les autres, les bras levés.

– Bien sûr que je reste !

Ils se mettent tous les trois à danser comme des clowns en plein milieu du salon, comme ça arrive souvent en fin de journée. Nina m'adresse des regards pleins de joie à plusieurs reprises. Moi, je reste loin, le mince contact qu'on a eu suffit à me donner des bouffées de chaleur.

Elle reste, mais je vais devoir garder mes distances.

Je continue à l'observer. Le soulagement sur son visage est visible. Elle semble reprendre vie, je peux presque voir le poids qui s'évacue de ses épaules. En la regardant ainsi, heureuse et pleine de vie à nouveau, je sais que j'ai fait le bon choix. Tout ce que je veux, c'est qu'elle reste là, même si je dois me tenir loin d'elle et ronger mon frein.

Ils finissent par se calmer. Fabrice se tourne vers Nina, et commence à lui demander des détails sur le salon de Paris. Je tire Benjamin à l'écart, une idée germant dans mon esprit.

– On devrait lui organiser une fête demain soir, je propose. Contacte les tatoueurs du coin qu'elle connait et les clients qu'elle a tatoués. Ça lui fera plaisir.

Benjamin acquiesce avec un grand sourire, puis son regard devient pensif.

Il se tourne vers moi et me scrute, je vois ses yeux se remplir de questions.

– T'es sûr que ça va ?

Il est très sérieux tout à coup. Beaucoup trop. Je détourne les yeux, esquivant sa question.

– Ouais, ça va, je lui assure, forçant un sourire sur mon visage.

– Il s'est passé quelque chose entre vous ?

J'ouvre la bouche avant de la refermer.

Je n'arrive même pas à nier, bordel.

– Laisse tomber Ben.

– Qu'est-ce qui se passe ? insiste Benjamin. Tu sais que tu peux tout me dire, non ?

Je me détourne, serrant les poings. L'idée d'en parler à quelqu'un, même à lui, me rend nerveux.

– Rien, Ben. C'est juste... compliqué.

Ma voix tremble, je devrais être plus sûr de moi, mais je n'y arrive pas.

– Si tu as besoin de parler, je suis là.

J'acquiesce, essayant de lui offrir un sourire rassurant, même si je sais qu'il ne doit pas être très convaincant.

– Je sais, Ben... Je sais. Mais pour l'instant... On se concentre sur la fête de Nina, OK ?

Il me regarde un instant, avant d'acquiescer.

– Je m'en occupe. On va lui faire une super soirée.

On se tape dans la main, puis il s'éloigne, et je reste là, pensif à regarder Nina de loin.

En regardant Nina rire avec Fabrice, je sais que malgré tout, j'ai fait le bon choix. La rendre heureuse et la garder près de moi... C'est tout ce qui compte.


Tatoue-moi, Choisis-moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant