Puisque tu pars

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La semaine passe.

Ludo est rentré jeudi. Comme d'habitude, il ne m'a pas demandé comment s'était passée ma semaine.

Pour la première fois, ce n'est pas moi qui ai pris l'initiative de la lui raconter et je ne lui ai reproché ni ses messages courts, ni le fait qu'il ne cherche pas à me joindre. Et étonnamment, c'est lui qui a fini par aborder le sujet.

Prenant la mesure de mes silences, il s'est inquiété de savoir si tout s'était bien passé. Puis, comme pour justifier les siens, il m'a expliqué que ses cours de Londres étaient intenses et qu'il n'avait pas trouvé le temps de m'appeler. Je l'ai vu insister, pour ne pas dire essayer de me titiller, afin de provoquer une réaction chez moi. Mais non, Il n'était pas là et j'ai eu une vie, j'ai fait des choses. Résultat sans appel, il m'a moins manqué.

Je ne pense pas qu'il fasse les choses consciemment, néanmoins, sa réaction m'amènerait presque à penser qu'il existe bel et bien un jeu du « suis-moi je te fuis, fuis-moi, je te suis » entre nous. Et jeudi soir, c'est moi qui ai gagné.

Nous sommes samedi matin. Dans six heures, Ludo prendra la route pour Paris, là où l'attendent trois des plus gros cerveaux de France dans le domaine de la science. Un avion privé leur a été attribué pour rejoindre la Suède et ses infrastructures de pointe.

Il prépare ses sacs, en compagnie de sa fille survoltée. Je l'aide à compléter sa liste, avec, en moi, un sentiment partagé. Entre l'habitude de son absence et une appréhension que je ne peux expliquer, c'est en silence que je pose quelques vêtements dans sa valise. Sans prévenir, il me prend dans ses bras. C'est si rare que je profite de ce moment. Lola prépare aussi son sac, avec moi, car dès ce soir, elle sera chez sa mamie Jo. Elle y fourre tout et n'importe quoi, ce qui me fait beaucoup rire.

À 14 h précises, Josiane sonne à notre porte. Heureuse de retrouver sa mamie, ma fille lui saute dans les bras.

Ma belle-mère habite le village d'à côté mais bien qu'elle ne soit pas véhiculée, cela ne l'empêche pas de venir régulièrement nous voir. Elle adore garder sa petite-fille. Je n'ai qu'un seul reproche à faire à cette femme, le fait qu'elle cède à tous ses caprices. Chaque fois que Lola revient de chez sa mamie, je prie pour qu'elle ne lui ait pas acheté un poney ou une chèvre.

Au-delà de ça, c'est la belle-mère que toutes mes amies m'envient. Gentille et respectueuse. Elle considère que son fils a de la chance de m'avoir et, à ses yeux, j'ai toujours gain de cause. C'est impressionnant. C'est avec elle que j'aurais dû me marier. Si j'avais su !

Alors que nous nous disons bonjour, Josiane soutient mon regard. J'essaye de prendre l'air le plus neutre possible, mais je sais qu'elle a déjà compris. Sa main, dans un geste plein de réconfort, se pose sur mon épaule et la presse avec tendresse.

— C'est quoi encore cette lubie ? Stockholm ? Tu as de la chance d'avoir une femme patiente, crois-moi, taquine-t-elle, tandis qu'elle embrasse son fils.

Je file nous préparer un café dans la cuisine. Lola, à ma demande, ouvre le placard et sort des biscuits, des chocolats, Josiane l'aide à choisir.

Je ne sais pas si c'est sa présence en nos murs ou si c'est de sentir une alliée dans la place, mais mes sentiments se trouvent exacerbés. Comme si, grâce à Josiane, mes pensées devenaient d'un coup plus légitimes, je m'autorise à souffrir. Ne souhaitant pas me donner en spectacle, je pleure de l'intérieur, raccompagnant les quelques larmes qui voudraient perler sur mes joues d'un geste de la main. C'est le café le plus long du monde à préparer. Je prends mon temps, mes gestes sont lents, je fais tout pour avoir l'air occupée.

Mon été sans allianceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant