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- Non mais la formule c'est pas ça, regarde. Ils disent que pour avoir l'hypoténuse il faut faire la racine de l'addition des deux autres côtés !

- Ben oui, mais la racine on la fait avant ou après ?

- Après je crois !

- T'en es sûre ?

- Mais oui regarde ! C'est la prof qui l'a marqué !

- En même temps, t'es la seule à comprendre ce que dit la prof donc...

- Donc fais-moi confiance.

- Et toi, tu galères sur quoi ?

- C'est quoi la date de l'Armistice déjà ?

- Tu te fiches de moi ?

- Hem... bonjour, jeunes demoiselles.

Les jeunes demoiselles en question, concentrées sur autre chose, se retournèrent individuellement et non pas en symbiose comme elles l'auraient fait d'ordinaire.

- Bonjour monsieur Neuvillette, le salua une jumelle - mais laquelle ?

- Comment allez-vous ? demanda l'autre jumelle.

- Je me porte bien, merci. Que faites-vous ? demanda-t-il en remarquant enfin une légère différence entre les deux sœurs.

Alléluia : bien caché dans le sourcil gauche de la jumelle de droite, un petit grain de beauté que l'autre ne possédait pas. C'était probablement le seul moyen qu'il aurait de les différencier s'il venait à les recroiser. Encore fallait-il les reconnaître pour cette fois.

- Dites, monsieur Neuvillette. Vous êtes doués en maths ?

- En math... ématiques ? Excusez-moi. Je suis un homme de droit, je n'entends que très peu aux sciences.

- Vous excusez pas ! Et en histoire ?

- Je pense pouvoir me débrouiller... enfin. Cela fait longtemps que je n'ai pas mis les pieds dans une salle de classe. Ma mémoire doit être quelque peu rouillée.

- Si vous pouvez aider Anna sur les dates les plus importantes de notre histoire - elle jeta un regard lourd de sens à sa sœur en insistant bien sur les mots - ce sera déjà un grand pas.

Anna, qui fusilla l'autre jeune fille du regard, était donc celle qui n'avait pas de grain de beauté. Il les tenait... il ne les confondrait plus.

- Loulouuuu ! Pardonnez-la, monsieur Neuvillette, vous avez sûrement plus important à faire que de vous soucier de l'apprentissage de deux collégiennes.

- Il n'y a pas de souci, j'ai encore du temps. Je pense être à la hauteur de la tâche que votre sœur souhaite me confier. Voulez-vous que nous regardions ensemble ce que vous devez réaliser ?

- Eh bien... si vous êtes sûr que ça ne vous dérange pas...

- Pas le moins du monde. C'est un plaisir que de mettre temporairement mes humbles connaissances à votre service.

Il crut voir deux légères taches colorées s'étaler sur ses pommettes et sourit intérieurement. Les deux filles semblaient posséder quelques différences de caractère. Il était sûr et certain que si Louise avait été absente, Anna ne se serait jamais aventurée à lui demander de l'aide. Il s'assit à côté d'elle en prenant bien garde à sa robe de juriste et à sa coiffure.

- Puis-je prendre connaissance de ce qui vous est demandé ?

Elle acquiesça et lui donna la feuille. Pendant qu'il lisait, il entendit les deux jumelles débattre sur un certain « théorème de Thalès ». Il ne savait pas ce que c'était et ne tenait point à le savoir. Toutefois, l'exercice d'Anna lui paraissait simple... voire enfantin. Restait à voir s'il aurait la patience et la pédagogie nécessaires à l'instruction de tout savoir...

Le Silence de Vos MotsWhere stories live. Discover now