J'ai échappé à Teke Teke

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    Je m'appelle Rei Takashi, et j'ai 22 ans. L'histoire que je vais vous raconter date d'il y a quelques années, quand j'habitais encore au nord du Japon, à Hokkaidô. J'étais au lycée. Vous ne connaissez peut-être pas le système scolaire japonais, mais j'avais des cours du soirs presque quotidiennement, qui se terminaient tard.

   Cette soirée là, on était en plein milieu de l'hiver, et il faisait déjà nuit quand je suis sorti. Il avait neigé la veille, et bien que ce ne soit plus le cas au moment où je sortais, le temps restait glacial. Les rues étaient peu accueillantes, d'autant qu'il n'y avait jamais grand monde par celles où je passais. Je n'étais pas du genre à avoir peur facilement, et de toute façon, le pays dans lequel je vivais était connu pour être assez sûr. La plupart du temps.

   Je dis au revoir aux quelques amis qui avaient les mêmes activités que moi, puis, je partis de mon côté, n'habitant pas au même endroit qu'eux.

   J'avais l'habitude de faire le chemin seul pour rentrer chez moi. Pourtant, un mauvais pré sentiment pesait sur mes épaules, comme si je sentais qu'il allait se passer quelque chose d'horrible. Malgré la confiance de jeune homme que j'avais développée, je m'empressais de marcher plus vite. Je n'étais clairement pas rassuré, et je voulais être rentré chez moi rapidement. Mes parents et moi habitions seulement à une dizaine de minutes à pied du lycée de toute façon.

    Après quelques instants à marcher dans le noir, un bruit assez particulier brisa le silence. Ça ressemblait à une sorte de frottement, mêlé à un claquement régulier, ou... non pas exactement. C'est comme si quelqu'un marchait derrière moi en se traînant lourdement, et qu'il boitait en même temps. Je sentais l'angoisse monter. Je ne me l'avouais pas à ce moment là, mais j'avais peur de me retourner pour vérifier si quelqu'un était bien derrière moi.

    Ça n'aurait pris qu'une seconde, et j'aurais été rassuré. Au mieux, il n'y avait personne, et je m'étais fait des idées, ou un chat était passé sous une voiture garée. Au pire, une vieille personne faisait le même chemin pour rentrer chez elle. Mais le sentiment de danger imminent que j'avais ne s'était pas apaisé, au contraire. Et c'était ce qui me faisait hésiter.

    Mon coeur battait de plus en plus fort. J'ai fini par m'arrêter. Puis, seconde après seconde, je tournais la tête derrière moi. C'est là que j'ai vu la chose la plus effroyable de toute ma vie.

    Il y avait une fille au sol. Elle devait avoir à peu près mon âge, mais je n'aurais pas pu le préciser car ses cheveux noirs tombaient à moitié devant son visage. Elle portait un uniforme d'un établissement que je ne connaissais pas. Mais surtout, et c'est là que j'ai failli perdre connaissance, je me suis rendu compte qu'elle n'avait pas de jambes. Son corps devait se terminer au niveau de son ventre. Et pendant que je restais là, à la regarder, complètement paralysé par la peur, elle continuait à avancer avec ses coudes, produisant le détestable son que j'avais entendu. Le haut de son corps frottait contre le sol avec une rapidité effroyable.

   Ce n'est que lorsqu'elle se mit à rire que je sortit de ma torpeur, et que je réussis à me mettre en mouvement. Sans perdre une seconde de plus, je me mis à courir dans la direction opposée. Je n'étais pas très sportif, mais l'adrénaline me donnait assez d'énergie pour pouvoir sprinter plus longtemps que je ne l'aurais cru. Et puis, pour me donner du courage, je me disais que ma maison n'était plus très loin. À cette vitesse, je pourrais la rejoindre en un temps record. Mais ce qui m'effrayait, c'est que le son que cette chose produisait accélérait aussi. Elle voulait me rattraper, et si c'était fait, je ne savais ce qu'il adviendrait de moi.

    Pendant un instant, tout est devenu flou. J'avais mal au crâne, à la poitrine, et aux jambes, mais je continuais à avancer sans vraiment voir où j'allais. Et puis, je me retrouvais à genoux dans l'entrée, contre la porte, complètement essoufflé. Je repris rapidement mes esprits et verrouillais la porte avant de courir dans ma chambre, sans prendre la peine de retirer mes chaussures ou de saluer mes parents.

   Quand ils sont monté dans ma chambre pour demander ce qu'il se passait, j'ai essayé de leur expliquer du mieux que j'ai pu ce qui m'était arrivé, complètement paniqué. Au début, ils avaient l'air de ne pas comprendre un mot de ce que je disais. Ils m'ont préparé un thé, m'ont aidé à reprendre une respiration normale, et quand j'ai enfin pu leur parler en formant des phrases à peu près complètes, leur visage s'est assombri. Je pensais qu'ils me prenaient pour un fou, mais alors que mon père gardait les yeux baissés, ma mère commença à me répondre.

   - Ce que tu as vu... c'est sûrement Teke Teke.

   - Q-quoi ? De quoi tu parle?

   Elle m'a tout raconté. Selon elle, Teke Teke avait été une fille du nom de Reiko Kashima. Un jour, alors qu'elle sortait des cours, des jeunes hommes l'avaient agressée avant d'abuser d'elle, puis l'avaient laissée pour morte. Incapable de se lever à ce moment là, à cause de la douleur, elle se serait trainé le plus loin possible pour essayer de trouver de l'aide. Elle était si faible qu'elle a fini par perdre connaissance, sur des voies ferrées. Lorsqu'un train passa, il sectionna son corps, la tuant sur le coup.

   Elle était devenue un onryô, un esprit vengeur, et chercherait à retrouver les hommes qui l'avaient agressée. Ne les trouvant pas, elle s'attaquait maintenant à chaque personne se trouvant sur son chemin, et se jetait sur ses victimes pour les séparer à leur tour de leur jambes.

   Mes mains tremblaient pendant que ma mère me racontait tout ça. D'un côté, ça me rassurait de savoir qu'elle me croyait. De l'autre, le sentiment de danger que j'avais ressenti n'aurait pas être plus vrai. J'avais bien failli y laisser la vie. Mon père me serra contre lui, conscient qu'il aurait bien pu ne jamais me revoir.

   Il m'a fallu plusieurs semaines pour me remettre de cette horrible rencontre. J'étais devenu complètement paranoïaque et n'osait plus sortir, et encore moins aller en cours. Nous avons déménagé peu de temps après en France, loin des légendes urbaines, ou potentiels yokai japonais.

   Depuis cet événement, je n'ai plus jamais remis les pieds au Japon.

 Alors si jamais vous vous promenez la nuit, à Hokkaidô, et entendez cet étrange bruit de frottement derrière vous... prenez garde. Vous n'aurez peut-être pas la même chance que moi.

Contes horrifiques et creepypastasTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon