Chapitre 4 - Matthew

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Amaryllis

J'ai toujours pensé que la ville était plus belle de nuit. Les lumières la rendaient majestueuses et les étoiles dans le ciel donnaient l'impression qu'une toile était peinte juste au-dessus de nos têtes. J'étais sur mon banc, installée bien au-delà de la métropole pour en admirer les détails cachés. Quelques voitures circulaient encore et créaient par-ci et par-là des halos de lumières aux couleurs différentes. Je voyais d'ici mon université dont l'envergure n'avait pas de limites, effleurant de peu ce qui nous sépare du reste de l'univers. J'appréciais venir là de temps en temps, pour dessiner dans un environnement qui se rapproche le plus de ce que j'ai connu enfant. À l'écart de cette vaste civilisation. Je me penche sur mon croquis de dessin et ajoute quelque coups de crayon pour finaliser à ma manière l'image de la ville. Je dessine rarement avec des couleurs, préférant accentuer les reliefs et les jeux de lumières avec un simple crayon.

Je sors de ma poche une mandarine et vient l'éplucher tout en parsèment involontairement des zestes sur le papier.
Je savourais ces soirs de janvier, attendant avec impatience que les premières neiges tombent. L'air gelé, faisait rougir le bout de mon nez et chacun de mes doigts, m'incitant à me fourrer un peu plus dans mon écharpe.
Je décide un peu plus tard de rentrer enfin chez moi. Il était presque vingtaine une heure et j'avais eu l'impression de prendre du temps pour moi. Ma journée ne fut pas qu'études, devoirs et contrôles.

Je me faufile doucement à travers les jolies résidences avant de rentrer pleinement dans la ville aux milles et une tour - les buildings.
Immédiatement, je sans une petite boule d'angoisse se former dans mon estomac, toujours plus grande à mesure que je m'enfonce dans cette jungle. Être dans le cœur d'une étoile était parfois un peu trop intense et dense à mon goût. C'était démesuré et effroyablement habité. Je préférais vraiment la voir de loin.

Le soleil se perché haut dans le ciel, avant que je puisse émerger de mon sommeil. Ma mère me tapotait doucement l'épaule, un tendre sourire sur le visage. Elle avait attaché ses cheveux blonds en un chignon brouillon, planté d'un crayon à papier.

Réveillée ? me demande-t-elle tout en signant.

Réveillée, je lui confirme.

Elle me laisse tranquillement sortir de mon lit et la rejoindre dans le salon. Mon père était déjà attablé, le petit déjeuner préparé et un journal à la main. En ce samedi matin, toute la famille était réunie. Je viens embrasser la joue de mon père et m'assois en face de lui. Nous échangeons nos bonjours du matin et commençons à manger une fois ma mère avec nous.

— Alors, comme ça tu sors avec les filles aujourd'hui ? me questionne mon père, avant de prendre son café.

Oui, elles m'emmènent faire les boutiques !

Vous ne rentrez pas trop tard ? commence à s'inquiéter mon père comme à sa mauvaise habitude.

Chéri. Amaryllis sait très bien se débrouiller. Ne l'infantilise pas.

Je remercie ma mère en souriant et en entamant mes tartines de confiture. Malgré mes vingt-et-trois ans, mon père a tendance à me coucouner plus que nécessaire. Ma mère en revanche a une certaine souplesse et me pousse régulièrement à agir de façon autonome. L'inquiétude de mon père remonte à l'enfance, lorsque qu'un jour celui-ci m'avait perdu de vu pendant plusieurs heures avant de me retrouver complètement mortifié. Je pense que ce jour fut bien plus horrible pour lui que pour moi.

Le ciel était dégagé, pas un nuage dessinait cette toile bleue. Chaussée de hautes bottes noires et habillée d'une robe blanche en coton, le tout était chaudement emballé d'un long trench vert foncé. Mes cheveux blonds descendaient en boucles le long de mon dos et venaient me chatouiller les oreilles lorsque le vent soufflait. Comme à mon habitude, j'attendais les filles au petit parc pour enfant que nous fréquentions bien plus jeunes. Je me balançais doucement en regardant mes pieds faire des tranchées dans le sable, jusqu'à ce qu'un ballon viennent atteindre l'une de mes bottes. Je m'en empare et me redresse, voyant à quelques mètres un groupe d'enfants jouer. Ils me firent signe de leur renvoyer la balle, ce que je fis immédiatement. Ils me remercièrent et continuèrent leur partie. Je les observais, une douce expression sur le visage.

Avec précaution, quelqu'un posa une main sur mon épaule. Je m'attendais à voir l'une de mes amies, au lieu de quoi, une grande carrure se présenta à moi. Tout de noir et à contre jour, je ne reconnu pas tout de suite mon professeur. Assise à côté de lui, il me paraissait bien plus grand que la dernière fois. Ses cheveux noirs étaient coiffés en arrière et il portait toujours sa veste en cuir. D'un pas assurée il fit le tour et vint s'assoit sur la balançoire d'à côté. Il sortit son téléphone de sa poche et tapa rapidement dessus. Il me le glissa sous les yeux, dans l'intention que je lise.

Que faites-vous toute seule ?

Je le regardais en me demandant en quoi ma situation le questionnait. Je saisi son téléphone et lui répond :

J'attends des amies. Pourquoi ?

Il se penche très près de moi et ses doigts rencontrent les mieux lorsqu'il récupère son portable.

Vous paraîtiez triste, à regarder dans le vide.

Je fronce les sourcils en lisant ce qu'il venait d'écrire et ne comprend pas le message s'il en avait un à faire passer. Cette fois je ne lui réponds rien et m'éloigne de lui tout en restant sur ma balançoire. Il ne semble pas plus atteint que ça et empoigne ma main gauche. Quelque peu retissante, je le laisse tout de même faire. Il retourne ma main de sorte à ce que ma paume soit face qu'on ciel. Et de l'index, il grava des lettres. Je mis du temps à réaliser qu'il écrivait son prénom quand il recommençait à chaque fois que je l'interrogeais du regard.

Matthew.

C'était donc son prénom.

A son tour, il posa le dos de sa main sur mes genoux. Je devais lui donner mon prénom. Je le regarde un instant, me sentant étrangement à l'aise avec lui. Je me reconcentre sur sa main aux veines parfaitement visibles et me surprends à penser qu'il avait de belles mains. Avec précision, je trace les premières lettres de mon prénom mais m'arrête très vite au deuxième a. Je me retrouve tout d'un coup à penser que ce n'était pas courant de faire ami-ami avec son professeur. Même s'il devait à peine frôler la trentaine. Soudainement, je me lève et hésite avant de me retourner.

— Je suppose que votre prénom a plus que trois lettres, dit-il distinctement pour que je puisse lire sur les lèvres. Vous refusez de me le donner, Ama ?

C'est inattendu, pourtant mon cœur se serre. J'ai la sensation de vivre une scène de déjà-vu, un souvenir en partit estompé ou un rêve peut-être à peine réalisé.

Matthew vient se percher sur ses deux hautes jambes et s'avance jusqu'à réduire suffisamment l'espace entre nous. Il faisait une tête de plus et ses épaules étaient si larges, qu'elles obstruaient le peu de lumière que le soleil s'entêtait à propager. Mais le plus attractif dans tout ça, étaient ses yeux, incroyablement envoûtants.

— J'espère que vous me le signerait, au prochain cours.

𝐋𝐘𝐈𝐍𝐆 𝐅𝐎𝐑 𝐘𝐎𝐔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant