CHAPITRE 1: Joyce ?

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JAKE

05/04/2023

Manhattan, New-York

Le métro new-yorkais.

En journée, c'est une angoisse. En soirée, c'est pire.

À chaque fois que j'y suis affecté, je suis certain de ne pas m'ennuyer. Les heures défilent, tout comme les amendes, les arrestations et les rappels à l'ordre. Il s'y passe toujours quelque chose. Un vol à l'arraché. Un individu poussé sur les rails ou s'y jetant volontairement. Des agressions verbales. Des agressions sexuelles. Des règlements de comptes par fusillade. C'est pourquoi une vigilance sans faille est nécessaire, augmentant de fait la fatigue, même si celle-ci se retrouve légèrement atténuée par l'épinéphrine transmise par les neurones.

La police n'est jamais bien vue ici-bas, surtout dans les quartiers mal-famés. Le nombre d'agressions envers les agents fédéraux ne cessent de croître. Rien que la semaine dernière, deux collègues se sont retrouvés à l'hôpital après une intervention dans le Bronx.

C'est inquiétant. Très inquiétant.

La raison de l'intervention: l'interpellation d'une femme ayant fraudé sous leurs yeux, sautant par-dessus le tourniquet.

La réponse de la fraudeuse: trois coups de feu en pleine heure de pointe. La première balle s'est retrouvée bloquée par le gilet pare-balle du premier tandis que la deuxième se logeait dans la cuisse de son coéquipier, touchant l'artère fémorale. La troisième a pénétré le bras d'un jeune homme innocent qui passait par-là.

Les caméras-piétons, accrochées au niveau du torse, ont tout filmé. Du début à la fin. La femme a trébuché sur un sac cabas et s'est retrouvée sur les rails au moment où le métro entrait en station. Les freins ont été actionnés, mais il était trop tard. 

La circulation fut coupée pendant plus d'une heure.

Si différent de la surface, les sous-sols, à l'atmosphère viciée, sont un tout autre monde sans l'être totalement. Ils ne sont que les révélateurs de son aspect sombre, tel son reflet diabolique, la misère humaine se côtoyant à sa détresse et à sa malveillance.

Telle une extension nécrosée impossible à amputer. 

Ce n'est pas un hasard si moins de 50% des new-yorkais s'y sentent en sécurité.

Je hais cette ambiance où la marche n'est pas coutume, hormis pour les touristes avides de découverte qui s'émerveillent devant le panneau lumineux annonçant la station, ou les influenceurs qui parviennent, sans le moindre effort, à romantiser un espace peu romantisable sur les réseaux sociaux avec Alicia Keys et Jay-Z ou du jazz en fond sonore. Les locaux s'y bousculent, pressent le pas, téléphones ou casques vissés aux oreilles, stressés d'arriver en retard en cours ou au travail.

C'est pourquoi je préfère y être affecté en soirée.

En journée, je m'y sens opprimé. Les quais, dégradés et étroits,  accueillent une foule impénétrable. Semblables aux galeries d'une fourmilière, les personnes marchent, ou plutôt courent, dans un but précis.

Une ambiance angoissante.

En soirée, tout devient plus calme. Les rames ne crachent plus de masses organiques compactes, mais des grappes discontinues, des individus solitaires. La multitude n'est plus, et la dissimulation de crimes devient quasi-impossible. À ces heures-là, l'isolement est semblable à une cible en plein milieu d'une plaine défrichée avec une dizaine de flèches de toutes formes et toutes tailles indiquant le centre.

Hope [ EN COURS ]Where stories live. Discover now