Jour 0

409 34 24
                                    

Malgré l'heure tardive, la lumière du bureau était toujours allumée. L'éclairage vacillait de temps à autre, mais Alhaitham n'y prêtait pas attention. Presque frénétiquement, il finissait de remplir et de signer les papiers qui s'étaient accumulés ces derniers jours. Il s'agissait seulement de se débarrasser définitivement de ces tâches ingrates. Il voulait les clôturer consciencieusement, afin que jamais personne ne ressente le besoin de revenir vers lui à ce sujet. Après tout, dès le lendemain, à la première heure, il quitterait officiellement ses fonctions de Grand Sage intérimaire et après cela, il ne voulait plus qu'on vienne lui en parler. Comme l'indiquait le titre, cela n'avait toujours été que temporaire et il avait décidé qu'il en avait eu assez. Il en avait déjà fait beaucoup, alors même qu'il n'avait jamais voulu de ce poste.

Une fois la pile écumée, Alhaitham la positionna méticuleusement sur le coin de son bureau et passa une main nonchalante dans ses cheveux gris, essayant vainement d'apprivoiser sa mèche rebelle sur le haut de son crâne, sans pouvoir l'empêcher de rebiquer. Il bâilla puis vérifia l'heure. La nuit était déjà bien avancée. S'il voulait profiter un tant soit peu de son lit, il ne lui fallait pas traîner.

Il se leva, quitta le bureau qui ne serait désormais plus le sien et traversa l'Académie avant de retrouver l'air frais extérieur. Il s'avança sur la grande allée qui descendait en colimaçon jusqu'à la rue inférieure. La capitale de Sumeru était construite de manière particulière. Elle avait été agencée autour de l'arbre gigantesque qui dominait la ville entière. De ce fait, elle était tout en hauteur, avec des allées en colimaçon, semblables à des escaliers planant au-dessus du vide, qui permettaient de passer d'une rue à une autre. L'une des plus hautes rues était celle où Alhaitham se trouvait actuellement, débouchant sur le bâtiment imposant de l'Académie, l'institution la plus sacrée dans ce pays qui valorisait savoir et sagesse par dessus tout. De cette haute rue, on devinait vaguement dans l'obscurité la forme des arbres de la forêt tropicale qui s'étendait à perte de vue. Un peu plus loin derrière la forêt, même si on ne pouvait pas les voir, se trouvaient les dunes de sable qui composaient le célèbre et grand désert de Sumeru.

Mais cette nuit, Alhaitham n'avait que faire de tout ce que Sumeru avait d'intéressant à offrir. Il voulait simplement rentrer chez lui au plus vite et dormir. Fort heureusement, il habitait juste à côté. Une fois dans la rue inférieure à celle de l'Académie, il fit à peine quelques pas et sortit ses clés pour entrer dans la petite maison à sa gauche. Il avait hâte de profiter du silence de la nuit pour s'endormir paisiblement. La ville était si calme à cette heure-ci que pour une fois, son casque phono-isolateur reposait sur sa nuque au lieu d'être vissé à ses oreilles.

Alhaitham n'aimait pas le bruit. Il ne le supportait pas. Il aimait être dans un environnement calme. Le silence l'aidait à réfléchir et à s'entendre penser. C'est pour cette raison qu'il avait toujours avec lui son casque phono-isolateur, qui lui permettait de réduire les bruits environnants. Il ne l'oubliait jamais, il était trop organisé pour ça. Il aimait que les choses soient claires, nettes et précises, aussi bien dans sa vie personnelle que professionnelle. Mais ce qu'il aimait le plus au monde, c'était qu'on le laisse tranquille. Il n'aimait pas faire la conversation et se sociabiliser, à moins d'y voir un réel intérêt. C'est pour cette raison que son vrai poste, à l'Académie, était un poste de scribe. Il n'avait pas besoin de parler ou de donner son avis, à moins qu'il ne le juge nécessaire. Il était méticuleux et efficace dans son travail, si bien que personne ne venait l'embêter à ce sujet. Il lui suffisait ainsi de rester en retrait, accompagné de ses papiers et de ses livres. Comme il était irréprochable, il pouvait aller et venir comme bon lui semblait. C'était un mode de vie qui lui convenait parfaitement.

Ces dernières semaines, après de grands bouleversements dans la capitale de Sumeru, il avait été obligé d'assurer temporairement le poste de Grand Sage et il en avait détesté chaque minute. Cela lui avait donné l'impression d'être dans un grand brouhaha constant. Voilà pourquoi cette nuit de sommeil qui l'attendait, bien que courte, s'annonçait exceptionnelle. Ce serait la première fois depuis trop longtemps qu'il pourrait dormir sur ses deux oreilles, l'esprit paisible, en pensant à toutes les responsabilités qu'il n'aurait plus le lendemain.

Une semaine en suspensWhere stories live. Discover now