Jour 7

407 30 84
                                    

Alhaitham avait très mal dormi. Il avait eu un mal fou à trouver le sommeil et sa nuit avait été entrecoupée de réveils intempestifs, durant lesquels il avait parfois eu l'impression d'entendre de l'agitation dans la maison, sans savoir si c'était réel ou si cela venait de ses rêves.

Lorsqu'il décida de se lever, abandonnant l'idée de se rendormir, le jour n'était levé que depuis peu de temps. Il choisit avec soin un livre parmi les nombreux ouvrages qui encombraient sa chambre. Il aurait besoin de s'occuper l'esprit en buvant une tasse de café le temps que Kaveh, qui n'était pas aussi matinal, soit levé également. Quand celui-ci l'aurait rejoint, il faudrait qu'ils discutent de ce qui s'était passé la veille au soir.

Alhaitham ouvrit la porte de sa chambre, son livre à la main. À peine eut-il fait un pas dans le salon qu'il constata avec surprise que Kaveh était déjà là. Il était assis à table, une tasse de café à la main, le regard dans le vague. Alhaitham fronça les sourcils. Il avait un mauvais pressentiment.

Lorsque Kaveh l'entendit, il leva les yeux vers lui. L'épuisement qui se dégageait de son visage frappa Alhaitham. Ses yeux étaient rougis, gonflés et soulignés par des cernes sombres. Ses traits étaient tirés et son teint était un peu plus pâle que d'habitude. Ses cheveux en bataille étaient attachés en un chignon fait à la va-vite. Le mauvais pressentiment qu'Alhaitham ressentait lui noua l'estomac.

- Tout va bien, Kaveh ? demanda-t-il d'un ton soucieux en s'approchant de la table. Tu as l'air... exténué.
- J'ai très peu dormi.

Kaveh se leva, prit une tasse, la remplit de café et la posa à l'autre bout de la table.

- Assieds-toi s'il-te-plaît. Il faut qu'on parle, Alhaitham, dit-il d'un air las.

Le scribe sut alors que son mauvais pressentiment était fondé. Cette phrase n'inaugurait rien de bon et c'était encore plus vrai lorsqu'elle était accompagnée de son prénom complet dans la bouche de Kaveh. Il s'exécuta sans rien dire et s'installa à la place la plus éloignée de celle de l'architecte, devant laquelle se trouvait la tasse de café. Il se sentait soudainement anxieux, réfléchissant à plein régime pour essayer de deviner ce qui allait suivre. Il n'en avait aucune idée.

- Je vais être direct, annonça Kaveh après de longues secondes de silence. Aujourd'hui, quand le confinement sera levé, je quitterai la maison.
- ... Comment ça tu quitteras la maison ? Tu vas où ? Sur un chantier ?

Au fond de lui, Alhaitham avait très bien compris ce que Kaveh voulait dire, mais il refusait d'y croire.

- Je déménage, Alhaitham. Je m'en vais. Aujourd'hui. Pour de bon. J'ai passé une bonne partie de la nuit à emballer mes affaires. Je n'ai pris que le plus important. Si tu veux bien, j'aimerais que tu acceptes de garder encore un peu certaines choses, que je viendrai récupérer dans quelques temps. Ça m'arran...
- Attends, attends, le coupa Alhaitham en haussant le ton sans même s'en rendre compte. Qu'est-ce que tu viens de dire, là ? Tu pars ? Aujourd'hui ? Je... je comprends pas. Pourquoi ? On en a même pas parlé ! Et où est-ce que tu vas aller ? Mais c'est quoi cette histoire ? Tu peux pas être sérieux, c'est du délire. C'est... beaucoup trop rapide. Tu prends la décision au milieu de la nuit et dès le lendemain, tu disparais ? Comment tu peux t'organiser dans ces conditions ? Et... on en a même pas parlé ! Kaveh, je comprends plus rien, là.

Alhaitham avait la sensation que tout cela n'était qu'une vague blague, mais il voyait dans le visage déterminé de Kaveh et dans ses yeux tristes à quel point il était sérieux. Il sentit à peine la douleur naissante qui s'installa dans sa poitrine. Il était bien trop occupé à essayer de mettre du sens sur une situation qui, à ses yeux, n'en avait aucun.

Une semaine en suspensWhere stories live. Discover now