Nightmare Island

Chapitre 46

James.

Je sirote mon café dans un silence de mort, seule l'horloge et son incessant tic-tac me coupent dans ma solitude. Puis, quelques minutes plus tard, Harper débarque dans la cuisine, suivis de ma mère et me saute dessus pour que je l'installe dans sa chaise haute.

— C'est quand que tu comptes arrêter de bouder et reprendre Lucy, James ?

Ma mère se pose en face de moi, un café à la main et l'expression inquiète dessinée sur son visage ridé par le temps. La femme aux cheveux poivre et sel, caresse ma main avec tendresse en cherchant mon regard.

— Maman, soufflé-je. Tu sais très bien que c'est impossible.

— Comment ça, impossible ?

Sa voix s'élève et fait sursauter ma fille qui s'était à moitié rendormie, le nez dans sa compote.

— Baisse d'un ton et évite de parler d'elle devant Harper.

Lorsque l'on prononce son prénom face à ma petite blondinette, elle se met à la réclamer. Je dois bien admettre que ça me brise le cœur de la voir si triste en l'absence de la brunette. Ma fille est contente de voir sa grand-mère, là n'est pas la question, c'est seulement qu'elle appréciait énormément Lucy.

J'ai cru comprendre que la nounou lui autorisait des choses interdites comme de sauter de la deuxième marche des escaliers, de dessiner sur le sol avec de la craie ou encore de lui gribouiller sa peau. Lucy était drôle, amusante, enfantine et ça plaisait énormément à ma fille qui n'avait eu que des femmes aigris, râleuses et d'un ancien temps.

— Harper ? Tu veux regarder un petit dessin animé ? lui propose ma mère malgré le regard noir que je lui lance.

Je ne suis pas un adepte de la télé avant l'âge de 3 ans, mais j'ai parfois dû user de cette nounou de remplacement lorsque j'étais en réunion et que je n'avais personne pour garder la petite.

— Oh, ne fais pas cette tête. Une fois de temps en temps, ça ne va pas tuer ta gosse.

Les boucles blondes sautillent alors qu'elle court en direction du salon. Une fois le dessin animé lancé, ma mère revient à mes côtés. Je sais déjà qu'elle va me parler de la Nanny et je sens que la discussion va être tendue.

— Alors, fils? explique-moi pourquoi je suis ici à la place de Lucy ?

— Parce qu'elle a mis la vie de ma fille en danger. Je crois que c'est suffisant comme excuse, non ?

Ma mère se lève d'un bond, prend le sucre et renverse la fin du pot dans son arabica.

— Hum, hum. Et Harper est où ?

— Ici, tu le sais bien. Ça ne va pas maman ?

Puis je reconnais son expression qui veut dire que c'était sous entendu qu'Harper est bien là, en bonne santé et ne semble pas perturbée par ce qui s'est passé il y a une semaine.

— Je suis allée chez Lucy hier. Et devine qui j'y ai croisé ?

Je ne réponds pas, me renfrogne le nez dans ma boisson chaude.

— Le blond là, celui de la sécurité.

— Mike?

Mon cœur fait un grand vol plané dans ma poitrine.

— Oui, voilà, c'est ça. Tu vas la perdre et elle va se retrouver dans les bras de ce blondinet. Tu la croiseras au parc en compagnie d'un autre homme. Ça te va ?

Bien sûr que non...

— Maman, grogné-je.

— C'est ce qui te pend au nez ! Ressaisis-toi, James. On n'a qu'une vie et si tu veux passer à côté de ton bonheur c'est tant pis pour toi, mais c'est tellement dommage. Vous allez bien ensemble, ajoute-t-elle avant de quitter la cuisine. Bonne journée et ne bosse pas trop.