Chapitre 18

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Kay et Gerda emboîtèrent le pas à la dame à travers les rues étroites de la ville. Elle semblait disposer d'un prestige certain, car toutes les créatures s'écartaient sur son passage avec empressement. Les deux jeunes gens en profitaient pour avancer dans son sillage, juste derrière le gnome qui se mouvait par bonds, à la manière d'un gros crapaud. Kay eut bientôt trop chaud, à force de déambuler ainsi sous son épaisse cape. Cette cité était beaucoup plus dense qu'il ne l'avait cru. Il retira ses gants et s'épongea le front.

Les ruelles finirent par s'élargir peu à peu et les environs se firent moins pouilleux. Ici, il y avait même un mince trottoir sur le côté qui paraissait avoir été balayé. Les maisons s'espacèrent les unes des autres et des premiers jardinets firent leur apparition. La plupart d'entre eux ne comporteraient que des squelettes d'arbustes sans feuilles et des tas de neige épars.

Enfin, ils s'arrêtèrent devant ce qui semblait être la toute dernière maison de la ville. Si du moins on pouvait qualifier de maison cet énorme manoir à l'architecture biscornue qui ne comportait pas moins de cinq tourelles en forme de champignons.

La dame se retourna et inclina la tête en direction de Kay et Gerda.

— Soyez les bienvenus dans mon humble demeure. Venez donc vous mettre au chaud.

La porte d'entrée s'ouvrit toute seule sans un bruit.

Aux yeux de Kay, cette demeure n'avait rien de humble. C'était de loin la plus vaste, la plus belle et la mieux entretenue qu'ils voyaient depuis leur arrivée dans cette ville. Des pierres brillantes étaient incrustées dans sa façade impeccable, à moitié camouflée par une vigne vierge qui s'y agrippait.

Kay et Gerda franchirent timidement le seuil. Il faisait une tiédeur agréable à l'intérieur. Ils retirèrent leurs capes et manteaux qu'ils accrochèrent sur un porte-manteaux à la suggestion de leur hôtesse. Kay se sentit un peu mal à l'aise. Sa parka trouée avait l'air complètement décalée dans cet endroit somptueux.

Le gnome lâcha le bas de la robe, s'inclina rapidement, et fila sans demander son reste. Il ne paraissait pas ravi d'être au service de cette femme pourtant si belle et si gentille.

— Laissez-moi vous faire visiter les lieux, mes chers enfants, dit cette dernière.

En temps ordinaire, Kay aurait été affreusement vexé d'être qualifié d'enfant. Pour cette fois-ci, il n'y prit ombrage. Il y avait quelque chose d'apaisant dans l'atmosphère de la demeure qui l'empêchait de se mettre en colère.

Ils suivirent la femme à travers un long couloir. Les torches accrochées aux murs s'allumaient au fur et à mesure de leur passage sur un geste de sa main.

— Etes-vous une magicienne, osa demander Kay.

La femme tourna la tête avec un sourire.

— J'ai quelques modestes dons.

Les murs étaient recouverts de tableaux représentant des paysages exotiques et des créatures fantastiques. Kay s'arrêta un instant pour observer l'une des toiles sur laquelle un magnifique dragon aux écailles vertes crachait des flammes. Il était étonnamment réaliste et le jeune homme se demanda si de telles créatures existaient réellement dans ce monde. Il se rendit compte alors qu'il s'était fait distancer et pressa le pas pour rejoindre les deux autres.

La dame s'était arrêtée devant une porte en bois beaucoup plus rustique que les autres. Elle posa la main sur la poignée en souriant.

— Comme vous m'êtes sympathiques, je vais à présent vous montrer mon repère secret.

Kay retint son souffle, plein de curiosité.

La porte s'ouvrit sur un jardin qui n'avait absolument rien à voir aux petits carrés d'herbe du reste de la rue. C'était de loin le plus bel endroit que Kay ait jamais vu.

Le Roi des Neiges [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant