7.5 Justice désintéressée

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Kayden


Alors que je ressors de l'arrière-salle, mon sourire factice s'estompe. L'œil sombre, je m'avance d'un pas rapide jusqu'à la porte de sortie. Dès que je passe le battant, j'y trouve mon pote. Plutôt que d'ajuster sa basse comme Hailey croyait qu'il allait faire, Dean se prend la tête avec un autre con. Ils n'ont pas le temps de me voir arriver, j'empoigne le type par le col de son chandail et le plaque contre le mur. Les yeux écarquillés, il a à peine le temps de réagir que je bloque mon avant-bras contre sa gorge. D'un coup brusque, je lui écrase la trachée. Il s'étrangle, son regard rougi par l'alcool panique pendant une fraction de seconde, probablement alarmé par la lueur ténébreuse qui traverse le mien.

— Comme ça, tu crois pouvoir venir dans MON bar, pour jouer les gros lourds avec la première paire de jambes que tu croises ?!

— De quoi tu parles, mec ? Je n'ai rien fait... J'avais seulement du plaisir avec ma bande. Écoute, je vais m'excuser à ta meuf et...

Mes narines se dilatent tandis que j'inspire avec force. Sans pouvoir retenir la décharge haineuse qui traverse mes nerfs, je lui flanque un coup de coude en pleine gueule.

— Tu crois que j'en ai quelque chose à faire d'elle ?! C'est pas ma meuf ! Non, connard, ce qui me met la rage, c'est les pourritures comme toi qui se croient tout permi et profitent de la vulnérabilité des autres ! Tu as intérêt à te casser d'ici et ne plus revenir, sans quoi je te refais le portrait !

Je le relâche et il s'empresse de prendre ses jambes à son cou. Je ne loupe tout de même pas son expression pleine de douleur, tandis qu'il porte une main à sa joue endolorie.

Bien fait pour lui !

Je prends une grande respiration en fourrageant dans mes cheveux. Une part de moi à envie de courir après ce mec pour lui foutre la raclée de sa vie. Il n'a pourtant rien fait de si intense et je suis certain qu'il ne reviendra pas m'emmerder. Pour être tout à fait honnête, j'ai moi-même dépassé beaucoup plus loin les bornes avec Hailey. Mais la pure frayeur qui a orné ses yeux plus tôt, bordel, ça me met dans un tel état. Ça me rappelle des trucs que j'aimerais mieux ne jamais me ressasser. Je n'en ai rien à foutre qu'il s'agisse d'elle ou d'une autre. Je déteste juste voir cette putain de lueur de détresse.

— J'pensais que tu allais simplement lui dire de foutre le camp.

D'un coup d'œil par-dessus mon épaule, j'observe Dean qui me détaille avec une certaine inquiétude.

— Tu vas bien, mec ?

J'acquiesce, mais il ne semble pas convaincu.

— Tu ne comptes pas tuer quelqu'un ? Question que je me prépare pour ma prochaine tâche. Au fait, t'as de la chance que j'aie remarqué ton signe de tête. J'te jure, parfois t'es aussi compliqué à déchiffrer qu'une nana. Mais j'suis un pro, en plus d'être le larbin d'un Reynolds. Ça déchire comme titre, tu crois ? C'est un peu comme si j'étais ta pute.

— T'es pas drôle. On rentre.

J'ai presque envie de lui faire ravaler son sourire, mais je me dirige plutôt vers l'entrée, bien vite suivi par lui. S'il a bien compris un truc, c'est qu'il vaut mieux me changer les idées quand je suis tendu et l'entendre débiter ses absurdités fonctionne bien en général. Sans quoi, il risque de se payer mes frasques. Parce qu'aussi con qu'il est, ce type ne me lâche jamais, pas même lorsque je me fous dans la merde jusqu'au cou.

— Elle va bien ? ajoute-t-il alors qu'on rentre dans le bar.

— Elle est avec ma mère.

Il sourcille devant cette phrase, mais il n'ajoute rien.

Les abîmes du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant