Les loups-garous de Thiercelieux

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  Dans les temps anciens, au fin fond de la Loire, il y avait un village du nom de Thiercelieux. C'était un joli village, avant ; les maisons étaient fleuries et les enfants couraient dans les rues, à grand renfort de cris joyeux.
  Maintenant, les maisons étaient toutes aussi fleuries mais les enfants restaient chez eux. Pourquoi ? Me demanderez-vous. Mais parce qu'il y avait la Peur. Elle avait élu domicile à Thiercelieux, comparable à un énorme scolopendre gris d'orage. La Peur des loups-garous qui infiltraient le village. La Peur des meurtres inexplicables la nuit, la Peur de la pleine lune...
  Un jour, le maire réunit ses concitoyens :
« Cellule de crise. Notre belle Thiercelieux est menacée par les cruels loups-garous , il sont partout. Cachés sous les traits d'un voisin, d'un ami ou même d'un frère ! »
Tous les villageois se regardèrent avec suspicion. Les mères serrèrent leurs enfants contre elles. Les jeunes gens réprimèrent des sanglots. Le maire reprit :
« Désormais, chaque matin, nous nous réunirons et nous voterons pour tuer l'un de nous qui est sûrement un loup-garou. Ça me déchire le cœur d'en venir à ça mais nous devons nous protéger. Et nous commencerons par envoyer nos enfants en ville pour les mettre hors de danger. »
On était revenus au temps des chasses à la sorcière.
Dès le lendemain, tous les enfants du village furent mis dans un train et envoyés en ville. Tous ? Non. Une petite fille, se cachant dans une grange y échappa. Personne ne remarqua son absence, et tout le monde s'en fichait car elle était orpheline et n'avait aucune attache. Elle vivait de pain et d'eau, dérobés dans les cuisines du voisinage.
Au village, la vie reprend son cours, si ce n'étaient les macabres réunions qui avaient lieu chaque matin où un corps était trouvé. Les condamnés avaient beau clamer leur innocence, on était sans pitié. Rapidement, la population du village diminua de deux, puis de trois. Mais l'estimé maire continuait à encourager ces massacres :
« Votre instinct ne vous trompe pas, disait-il. Si la personne que vous avez tuée n'est pas actuellement un loup-garou, c'est qu'elle allait en devenir un. »
Et ça continuait. A la fin, il ne resta qu'une poignée d'habitants au village.
  La nuit de la pleine lune, l'orpheline se réveilla. Elle avait entendu un bruit. Elle sortit de son abri et vit le maire sortir du village, accompagné des quelques villageois qui avaient survécu. Et quand la pleine lune fut haute dans le ciel, des hurlements de loup troublèrent le silence de la nuit.

Cette partie était terminée et les loups-garous avaient gagné.

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