Chapitre 10-3 : Duels

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— Risquer de perdre le contrôle pour ça, c'est impardonnable.

Maximilien venait de me désarmer quand il jugea sévèrement les actions de Clotilde.

Cette fois-ci, nous avions troqué le bois pour le fer de l'épée. L'entrainement d'hier avait poussé mon ami à accélérer les choses.

Il n'avait pas été témoin des combats m'opposant à Mara puis Clotilde, mais toute l'Armurerie ne parlait que de ça depuis hier.

Deux terriennes prêtes à autant en démordre, un tel spectacle n'était pas arrivé depuis des lustres.

— Impardonnable, peut être, répondis-je en lançant un nouvel assaut. Mais elle a gagné. Devant Melchior.

Nos épées s'entrechoquèrent à nouveau. Sans grande surprise, la mienne valsa à quelques mètres.

Maximilien essayait très mal de dissimuler un sourire.

— Tu as l'air content ! m'exclamai-je.

— Pas du tout. Pourquoi est ce que je serais content ?

— Parce que je ne serai pas choisie par Melchior.

Il évitait mon regard, trouvant en mon épée échouée un parfait prétexte pour ne pas me répondre.

Quand il me la tendit, je fulminais.

— Je ne suis pas sûr que tu sois faite pour le combat, c'est tout. Depuis toute petite, tu rêves de devenir guérisseuse...

Même si je partais de loin, l'excitation du combat gangrénait mes pensées. Les combats de la veille n'avaient fait que me confirmer que je pouvais aimer ça.

Maximilien me regardait d'une façon suspicieuse.

Ce matin, avant de partir, l'idée de croiser Viktor dans l'Armurerie m'avait obnubilée. Je m'étais maquillée, ce qui ne m'arrivait que rarement.

— Tu es bien... coquette aujourd'hui.

Ce mot sorti de sa bouche résonnait bizarrement.

En guise de réponse, j'admirais mes chaussures, les joues brulantes de honte. Il était certainement au courant que Viktor était de retour.

— On se voit demain ? lui demandai-je en rangeant mon épée dans son fourreau.

— Je ne sais pas Eulalie. Te voir rappliquer au moindre de ses sifflets m'horripile...

— Tu me compares à quoi là ? Un chien ?

Le voir souffrir me tordait les boyaux, mais je m'attachais dur comme fer à notre amitié.

— Mademoiselle Vullian ! cria une voix saccadée avant que je n'ai le temps de rassurer mon ami.

Je ne lui en voulais pas, mais je désirai que tout reste clair entre nous.

L'assistant de Pipin avait couru, il haletait.

— Vous devez vous rendre en salle de soin centrale. Un patient vous attend.

En salle de soin ? Pourquoi cet apprenti avait-il été extirpé de l'Arène ?

Habituellement, nous effectuions nos soins là-bas, à même le sol. Pourquoi tant de précautions ?

Passée les couloirs en pierre, j'ouvrais la porte de la salle de soins sans frapper. Un peu de retenue m'aurait pourtant permis de ne pas bondir de surprise lorsque je me retrouvais nez à nez avec Viktor, qui me dévisageait déjà.

Il avait enlevé sa tenue d'entrainement. Ma vue ne pouvait échapper à son torse musclé, à ses bras aiguisés, à son visage si fin...

Je remarquais une plaie superficielle sur son épaule gauche.

— Bonjour, Eulalie.

Par réflexe, je décidai de feindre l'indifférence. Même si mon hoquet d'entrée n'avait pas dû lui échapper.

Me voyant hésiter, il prit les devants. Et je voyais bien à ses grands yeux soucieux qu'il était peu sûr de lui.

— Cela fait une semaine qu'on s'est dit au revoir...

— Je dirais qu'on ne sait pas dire au revoir du tout, le corrigeai-je.

Son départ m'avait affectée et en quelques mots mal choisis, je venais de me trahir moi même.

Je fouillais dans son regard et j'y trouvais un bouillonnement que je ne comprenais pas.

— J'aurais aimé te revoir plus vite. Mais ma mère n'aurait pas apprécier d'attendre.

Sa moue coupable le rendait adorable.

— Elle voulait me parler des enjeux qui se dessinent pour le Nesmertit. Nos terres sont courtisées plus que ce qu'elle aimerait.

Ces informations, je les avais déjà. Vladimir connaissait la vie du cousin du prince autant que lui même. Il m'avait tenue au courant, même si la géopolitique de notre royaume avait toujours été le cadet de mes soucis.

Pour me donner une consistance, j'installais mon matériel à suture puis me lavais les mains tout en l'écoutant.

— L'oncle de Calista est arrivé jusqu'à nos frontière. Il voulait une entrevue formelle, je devais être présent.

Entendre le prénom de Calista de sa bouche me déplut au plus haut point.

— Je suis rentrée au plus tôt. J'ai encore à apprendre du Trèfle. Et je voulais te revoir. Je n'arrivais pas à te sortir de ma tête.

Il maugréa devant mon mutisme et se rapprocha pour me prendre la main, celle que je gardais propre, car je la destinais au porte aiguille pour le recoudre. Maintenant qu'il l'avait touchée, je devais à nouveau la nettoyer pour éviter de contaminer sa plaie.

Je le réprimandais doucement et il sourit en lâchant ma main.

Il m'était extrêmement difficile pour moi de rester professionnel à ce moment là.

— Avant que je parte, tu n'avais pas encore appris à suturer.

— J'en ai fait une dizaine depuis ! m'exclamai-je pour le rassurer. J'aime bien. La technique n'est pas compliquée, ça vide l'esprit. Ta plaie est propre et bien taillée, ça ira vite. Je vais mettre quatre points.

— Ravie de voir qu'elle te plaît.

Je sentis mes joues s'enflammer. Plutôt que de répondre en bégayant, je m'enfuis en direction d'une bassine d'eau pour me nettoyer les mains.

Au moment de commencer la suture, je le prévins que j'allais enfoncer mon aiguille, il hocha simplement de la tête en guise de consentement, avec un sourire en coin tout à fait charmant.

Puis une mèche de cheveux tomba de ma queue de cheval alors que j'effectuais le premier point. Elle troubla ma vue.

Je ne pouvais l'enlever avec mes mains occupées et il s'en aperçut.

Un courant d'air frais effleura mon visage et remit les cheveux rebelles à leur place.

Je perdis pied.

La caresse sensuelle de son énergie propre était enivrante, elle chauffait la zone de peau où elle m'avait effleurée.

J'essayais de me concentrer sur la suture mais impossible pour moi de me souvenir du geste. Je n'arrivais plus à faire le nœud pour recoudre et achever le premier point.

Ses yeux ne me quittaient toujours pas. Je paniquais, incapable de me ressaisir.

— Tu vas bien ? me demanda-t-il innocemment.

Je le soupçonnais de savoir exactement dans quel état il m'avait mise. 

Eulalie, et la Garde du Roiحيث تعيش القصص. اكتشف الآن