Chapitre 13 : En catimini

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Emma

Je suis soulagée. Je sais à présent que je ne suis plus en danger. Pas dans l'immédiat en tout cas. Même si je vais devoir me montrer très prudente, car je suis en enfer, pas dans un salon de thé. Je risque de rencontrer des démons. De toute évidence je vais être confrontée à des créatures qui ne sont pas des enfants de chœur. Avec la présence de Samaël dans les parages, je serais tout de même plus en sécurité qu'avec un fou furieux qui viole des femmes et les tue pour le plaisir.

Malgré mon inquiétude qui commence à disparaître, je suis extrêmement contrariée par l'échange que je viens d'avoir... Salomé m'avait parlé de lui. Et bien qu'à ce moment-là je ne le portais pas dans mon cœur pour les actions déplorables qu'il a commises envers mon amie, j'étais loin de me douter à quel point il a mauvais caractère. C'est le pire goujat que j'ai eu l'occasion de rencontrer. Je n'en reviens pas qu'il soit parti sans me demander si j'ai besoin de quelque chose. Il m'a laissée en plan. Toujours avec mes vêtements d'infortune et sans se soucier de savoir si j'ai faim. Les gargouillis de mon estomac n'ont pas pu passer inaperçus. Il ne fait pas l'effort de m'accueillir comme un véritable hôte ? Tant pis. Je vais aller me servir toute seule. Puisque je n'ai rien à me mettre sur le dos, je vais aller fouiller dans ses affaires. Il a une enveloppe humaine. Il doit donc s'habiller pour aller sur Terre. Je dénicherai de quoi me couvrir dans son armoire. Et tant qu'à faire, j'en profiterai pour explorer les environs. Avec un peu de chance, je trouverai de quoi me nourrir. Dans le cas contraire, c'est moi qui servirai d'amuse-gueule. Ceci dit, je ne sais pas dans combien de temps il va revenir et je n'ai pas envie de l'attendre. Il n'a pas refermé la porte. C'était peut-être volontaire. Je n'ai pas entendu la clé tourner dans la serrure. S'il pense que je vais patienter ici comme une bonne petite fille sage, il peut se fourrer le doigt dans l'œil jusqu'au cerveau. Pour être polie...

Pour la seconde fois, je descends du lit. La chaleur m'envahit le visage. La colère gronde en moi. Quand je me suis défendue, réaction normale dans ma situation, il m'a ceinturée et m'a jetée sur le matelas. Un centimètre plus loin et je m'écrasais au sol, cul par-dessus tête. Ô, je suis sûre qu'il aurait été content de lui et que ça l'aurait fait rire.

Je vais me venger. Il va regretter d'être aussi odieux avec moi. Je traverse la pièce sur la pointe des pieds et essaie d'ouvrir la porte le plus discrètement possible. Comme je m'y attendais, celle-ci est très lourde. Je tente le tout pour le tout et tire de toutes mes forces. C'était prévisible, les gonds grincent et le son se répercute dans l'immense couloir. Je commence à me demander si me promener toute seule est une bonne idée. Il fait sombre et je n'y vois rien. Je tourne la tête de gauche à droite pour vérifier qu'il n'y a personne. J'aperçois une lueur qui danse. J'en déduis que ça doit être une torche. Avec prudence, j'avance dans sa direction. Quand je suis à sa hauteur, je l'attrape et m'en sers pour éclairer mon chemin. Je suis surprise de ce que je vois. Je ne sais pas comment j'imaginais l'enfer. Certainement pas comme ça. Je pose ma main sur la paroi du mur. Elle est rugueuse et inégale. C'est de la pierre. Le long couloir dans lequel je me trouve et l'escalier en colimaçon que je devine un peu plus loin me laissent penser que je suis dans un château. Ça ressemble fort à une bâtisse du Moyen-Âge. Aurais-je fait un saut vers le passé ? Peut-être que je suis dans une autre dimension ? À force de m'inventer tout un tas d'idées farfelues, je finis par me rapprocher de la solution qui me paraît être la plus plausible. Pour que cet endroit soit vivable pour moi, Samaël l'a certainement adapté. Ne pouvant pas faire de changements trop importants, il a fait au mieux. Il a créé un décor austère, mais fonctionnel où je peux séjourner malgré le fait qu'il n'ait pas récolté mon âme. Ceci dit, si je prête attention à mon environnement, je perçois tout de même que ce lieu n'a rien d'anodin. La chaleur qui règne est étouffante. Je capte des bruits étranges. Je crois qu'il s'agit de cris. Je ne m'attarde pas trop sur ce que j'entends, car ça me met extrêmement mal à l'aise. Je ne suis pas sûre d'atterrir au paradis après ma mort. Alors je préfère rester dans l'ignorance. Je n'ai pas besoin de savoir tout ce qu'il se passe dans ces lieux. Je m'inquiéterai de ma dernière destination le moment venu. Je sors de mes tristes pensées et commence ma progression. J'essaie de me faire discrète. Or très vite, je constate que je prends des précautions qui ne sont pas nécessaires. Il n'y a personne. En plus d'être extrêmement calme, ce couloir est lisse. Je ne trouve pas la moindre trace d'une autre pièce. Ne me dîtes pas que... non ce n'est pas possible ! Il n'est pas allé jusque-là ? Il ne m'a pas fait le coup de la princesse emprisonnée dans une tour d'ivoire ?!

Je me remémore la facilité avec laquelle j'ai pu sortir de ma chambre. Peut-être que c'était volontaire. Pourquoi m'enfermer si je suis seule, sans perspective d'échappatoire ? Alors que je songe à retourner dans ce que je considère être ma nouvelle cage dorée, j'aperçois un encadrement. Et je n'ai aucun doute quant à ce qui se trouve derrière. J'ai devant les yeux un énorme battant en bois massif avec de somptueuses sculptures. Le tableau qui y est représenté laisse peu de place à l'imagination. On y voit un ange, avec une paire d'ailes magnifiques. Sans auréole. Une seule personne est capable de marquer son territoire par une ouverture imposante et majestueuse, et de façon aussi narcissique. Je suis arrivée à destination. Maintenant je n'ai plus qu'à prier pour qu'il ne me surprenne pas à fouiller dans ses affaires pendant qu'il a le dos tourné. J'espère qu'il est occupé ailleurs...

Il n'y a pas de poignée. J'appuie de toutes mes forces sur le montant. La vache ! Qu'est-ce que ce truc est lourd ! La chaleur ambiante ne m'aide pas beaucoup. Je suis en nage et je m'essouffle facilement. J'ai l'impression que je ne vais jamais réussir à franchir le seuil de la pièce. J'ai mal dans tous mes muscles à force de m'acharner. Dépitée, je me résigne à abandonner. Je tourne les talons, frustrée de ne pas être parvenue à trouver de quoi m'habiller. Quelque chose se produit. Mon pied s'enfonce dans le sol et la porte s'ouvre. Il y a un mécanisme caché. Bien sûr ! Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ? Parce que l'on ne voit ça que dans les films. En même temps, en restant auprès de Salomée, je me doutais que tôt ou tard, je finirais par vivre un truc de dingue. Tout de même... Je me serais bien passé de ça. Je ne sais pas encore comment, mais si j'arrive à me sortir de cette merde, je vais écrire un livre sur mon histoire. Ça mérite au moins ça.

Un bruit métallique me ramène dans l'instant présent. Le panneau bouge. Avant qu'il se referme, je me précipite dans la chambre. Après une rapide vérification, je constate que je suis seule. Je vais pouvoir agir sans être dérangée... Et à coup sûr, ça ne va pas plaire à Samaël !

Lumière et ténèbres - tome 2 - Emma (premier jet)Where stories live. Discover now