Chapitre 31 : Petit hameçon pour un gros poisson

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Samaël

L'attente me fatigue, je me fais chier comme un rat mort. Je veux que l'on parle de moi, que l'on me construise une réputation. J'ai besoin d'action, je vais aller m'occuper du cas d'un trafiquant de drogue pour m'inventer une vie de mercenaire. Bien sûr, je vais m'arranger pour qu'Allan ait vent de mes exploits. Dans le lot de raclures que j'ai tuées sur le bateau, figuraient quelques-uns de ses gros bras pour « protéger » sa précieuse cargaison. Il a perdu beaucoup de gorilles, Je me fais une joie de postuler pour prendre la place de son personnel manquant et de devenir, en quelques jours, son plus fidèle homme de main. Si pour en arriver là, je dois tordre le cou à quelques trous du cul, pas de soucis, bien au contraire. La Terre ne s'en portera que mieux. Et je vais commencer tout de suite. Pour être remarqué, je vais décimer tout un gang. Je n'ai pas décidé lequel, mais j'ai une préférence pour les connards qui vendent des produits nocifs aux enfants. De la poudre, des cachetons, de l'herbe, les pires merdes qui existent pour griller la cervelle des pauvres mômes qui ont eu le malheur de rencontrer les mauvaises personnes. Peu importe les dégâts, peu importe qu'ils brisent des vies, tout ce qui compte pour eux c'est l'argent, encore et toujours. À croire qu'ils ne respirent que pour gagner du fric. Je n'aurais aucun remords à faire sauter le caisson du chef du clan.

***

Et voilà, une ordure de moins. Non, pas tout à fait, plutôt une dizaine de déchets ont été supprimés de la surface de la Terre et partent maintenant pour le recyclage. S'ils étaient restés à leur place, ces débiles auraient gardé la vie. Mais ils ont choisi de se rebeller contre moi quand j'ai descendu leur patron. Surprise les mecs, grâce à mon pouvoir d'invincibilité, les balles ne me traversent pas ! Par contre, j'ai retourné vos armes contre vous pour vous flinguer.

Avoir buté tout un réseau sans me faire gauler devrait suffire à attirer l'attention sur moi. En permettant à l'un d'entre eux de survivre à mon attaque, je me suis arrangé pour laisser planer la rumeur qu'un tueur à gages circule en ville. Pas un parmi tant d'autres, le meilleur. Celui dont personne ne voudrait croiser le chemin. J'ai choisi le mec le plus lâche, celui qui s'est battu avec le moins de courage, pour aller raconter le carnage dont il a été témoin. Il s'est pissé dessus le con, même si je le trouve dégueulasse, sa faiblesse me prouve qu'il est parfait pour véhiculer des commérages à mon sujet. Il s'est barré en courant et a eu tellement peur qu'il donnera un max d'éléments sur ce qu'il vient de vivre. En général, les pétochards en rajoutent des tonnes et dessinent un portrait de leur agresseur plus terrible que la réalité. Quoique là, il n'aura pas à beaucoup forcer le trait, je ne me suis pas privé de les massacrer.

***

Voilà une bonne chose de faite, je peux retourner à mon hôtel. Demain à la même heure, j'irais sonner chez Allan. Il aura déjà entendu parler de moi, je pourrais lui proposer mes services sans risque qu'il me refoule. En plus de mon dossier fantôme dans les ordinateurs de la police, ma réputation d'homme de main redoutable me précèdera. En attendant, puisque j'ai du temps à perdre, je peux me consacrer à Emma. Lucide, j'ai conscience que ce que j'ai en tête n'est pas bien, pourtant, je ne parviens tout de même pas à me raisonner. Je veux m'assurer qu'elle trouve ses marques, je suis parti depuis deux jours et je me fais du souci pour elle. Mouais... rien ne me sert d'essayer de me berner. Je la sais en sécurité, je l'ai confiée à celles qui me sont, d'une certaine façon, les plus proches et les plus fidèles, elle ne court aucun danger. J'en ai parfaitement conscience, je souhaite surtout la voir. Je ne peux pas rentrer, je dois rester ici au cas où les évènements iraient plus vite que prévu. Je vais simplement jeter un petit coup d'œil pour l'apercevoir, après, je m'éclipserais, ni vu ni connu, rien de bien méchant. Encore une fois, je sais que la jeune femme n'appréciera pas que je l'observe. Cependant, c'est plus fort que moi, irrépressible, son mordant habituel me manque. Dans ma chambre, je me fais royalement chier. Avec un peu de chance, je la surprendrai en train de me maudire, me donnant une raison supplémentaire pour redoubler d'efforts pour la mettre dans mon lit quand je rentrerai. L'enjeu ne s'en trouvera que plus passionnant.

Pas assez forte pour me dissuader de me comporter comme un connard, la voix de ma conscience ne parvient pas à me retenir. Je rejoins la salle de bain, utilise mes pouvoirs pour connecter le miroir de sa coiffeuse au mien, et grâce à un mouvement du bras, j'envoie mon intention vers les enfers.

- Montre-moi celle que je désire apercevoir.

Si ma conduite n'était pas incorrecte, la situation me ferait sourire. J'agis comme un méchant de conte de fées, sauf que ce n'est pas une belle histoire, dans le monde réel, je joue les voyeurs. Au point où j'en suis, cette digression ne changera pas grand-chose pour moi. Ma culpabilité ne me pèse plus depuis bien longtemps, avec toutes les horreurs que j'ai commises, trop lourde à porter, je m'en suis débarrassée, je l'ai abandonnée après une énième torture.

Rapidement, mon reflet ondule sur le verre, des vaguelettes dansent à sa surface, puis se stabilisent. Tout à coup, j'ai enfin accès à celle que je meure d'envie de rejoindre. Elle est assise sur son lit, repliée sur elle-même. Pendant une fraction de seconde, mon sang ne fait qu'un tour. Qu'est-ce qu'elle a ? Est-elle blessée ? Puis, je l'entends chantonner. Punaise... non, mais quel con, je me suis affolé trop vite ! Mais alors, que fabrique-t-elle ? Je repère le petit pinceau qu'elle tient dans sa main et le truc bleu en mousse qu'elle a entre les orteils, elle se vernit les ongles. Je remarque qu'elle a choisi une couleur sombre. Comment les femmes l'appellent-elles déjà ? Ah oui ! Du bordeaux. C'est plus joli que du rouge vif, plus classe, moins tape-à-l'œil. En tout cas, je préfère ce coloris.

À ma grande surprise, j'entends des coups portés sur la porte de ma belle. Elle se lève en vitesse et se rapproche de son miroir sans savoir que je l'observe de l'autre côté. Elle vérifie son apparence une dernière fois, attrape son parfum, se vaporise le cou, les poignets et l'intérieur des coudes. Tous ses gestes reflètent une femme qui s'apprête à accueillir son rencard. C'est quoi ce bordel ? En si peu de temps, elle a déjà trouvé le moyen de sympathiser - et plus si affinité - avec l'un de mes sous-fifres ? Une vilaine émotion me submerge, j'ai envie de tout casser, c'est vraiment moche la jalousie. Je savais que je n'aurais pas dû m'absenter, un autre que moi va goûter à ses charmes. Je ne suis pas du genre à passer après tout le monde, en dernier. Je le regrette, mais c'est décidé, je vais me contenter de la protéger. Et dès que l'histoire sera réglée, Emma retournera chez elle. Et elle pourra s'envoyer en l'air avec le premier venu si bon lui semble.

Pas assez rapide pour couper la connexion, mes ruminations déviant mon attention, je découvre, malgré moi, la personne venue lui rendre visite. Surpris par les nouveaux arrivants - oui, parce qu'il n'y en a pas un, mais deux - le spectacle qui suit me fait changer d'avis, je ne souhaite plus me détourner. Comme happé, je ne parviens pas à quitter mon miroir des yeux. Ma main glisse vers mon entrejambe et trouve instantanément mon sexe. Je n'ai pas besoin de le stimuler afin qu'il gonfle, la scène qui se déroule à mon insu s'en charge pour moi. J'essaie de refouler le plaisir qui monte dans mon bas ventre pour qu'il dure plus longtemps. C'est peine perdue, je sens l'extase gagner du terrain à chaque va-et-vient de mes doigts. Sous mes yeux se produit un spectacle dont rêvent tous les hommes, l'érotisme à l'état pur. C'en est trop, je ne peux plus me retenir, avec un râle grave et guttural, je jouis.

Et pendant tout ce temps, Emma n'a pas cessé de fixer son miroir.

Lumière et ténèbres - tome 2 - Emma (premier jet)Where stories live. Discover now