Chapitre 14 : Calme avant la tempête

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Samaël

Après avoir quitté Emma, je sors. Je n'ai nulle part ici où je peux véritablement être seul, tranquille sans que personne ne vienne me déranger. Alors je déserte l'enceinte de ce château fictif. Cette mascarade me tape sur les nerfs. J'ai réaménagé tout mon domaine. Je ne me sens plus chez moi dans ce décor qui ne ressemble en rien à mon environnement habituel. Et voilà comment je suis remercié. Par le caprice d'une sale gosse. Pour ne pas m'emporter, il faut que je m'éloigne. Dans mon univers, je ne peux pas sortir dans le jardin pour m'aérer l'esprit. Je ne peux pas dire que l'extérieur soit très accueillant et reposant. Cependant les charbons ardents, les coulées de lave, et les cris de souffrance sont ma normalité. Je suis plus à l'aise dehors malgré l'hostilité qui y règne plutôt qu'à l'intérieur, trop près de celle qui me pousse à bout. Il ne faut pas que j'oublie qu'elle est toujours en vie. Je ne peux pas me permettre de lui faire subir un châtiment pour la punir. L'idée est tentante. Mais bien sûr, pas réalisable. Je ne suis pas sans cœur. Assassiner un humain qui ne le mérite pas, de mes propres mains, est inenvisageable. Contrairement à ce que disent les croyances populaires, j'ai une conscience. Et celle-ci m'interdit de m'attaquer aux innocents. Et puis ça m'est impossible à accomplir.

Quand j'ai été banni, mon père s'est servi de ses pouvoirs pour mettre un sceau de sécurité sur les êtres de sa création. Ceux qu'il jugeait suffisamment dignes de sa clémence. Quelle vaste blague ! Mon géniteur miséricordieux ? Laissez-moi rire ! Bref... Lorsqu'il était encore le Tout-Puissant, il était le seul à pouvoir décider du droit de vie ou de mort sur les humains. Protection inutile puisque je n'ai jamais eu l'envie de tuer. Enfin... D'aller chercher des âmes sur Terre. En enfer, c'est une autre histoire. Je n'ai aucune pitié pour mes « locataires ». Mais par esprit de vengeance et de contradiction, j'ai trouvé comment faire enrager mon paternel en le laissant incapable de réagir. En tout bon méchant que je suis, je vais régulièrement à la surface pour entretenir la mauvaise réputation que je me suis forgée. Je suis maléfique, il ne faut pas l'oublier. Je souffle à l'oreille des hommes pour qu'ils cèdent à la tentation. Je réveil leurs pires vices. Ceux qui sont enfouis depuis leur naissance et qui ne demandent qu'un petit coup de pouce pour surgir. Ce n'est qu'une question de temps avant que leurs pulsions ne se manifestent. Je ne fais que précipiter les choses. Les dix commandements ? Il peut s'essuyer le cul avec ! « Tu ne te créeras pas d'idoles » ? Autrement dit, tu ne boiras pas, ne joueras pas, ne te droguera pas pour oublier tes problèmes. À la place, tu prieras Dieu. Il sera ton seul sauveur. Quelle fumisterie ! Eh bien moi, je les encourage vivement à s'adonner à la débauche. C'est quand même plus attrayant. « Tu ne prononceras pas faussement le nom du Seigneur » ? Putain de bon Dieu de merde... Combien de fois j'ai entendu ça ? Je ne les compte même plus. Soyez vulgaires, mes petits agneaux. C'est comme ça que je vous aime. « Tu ne tueras pas ». Mouais.... Combien de tarés deviennent des meurtriers ? Ça aussi je ne le totalise plus. Je n'ai pas besoin de les encourager pour les faire vriller. Les détraqués. Ils sont de la pire espèce. Les loupés de mon cher papa. Lui qui pensait avoir construit un univers parfait. Avec des moutons manipulables à souhait... Un monde de Bisounours. Et bien c'est manqué. Je pourrais continuer de citer toutes ses règles. Toutefois, ce n'est pas nécessaire. Je m'arrange pour que toutes ses précieuses petites « choses » les digresse. J'ai été puni pour m'être rebellé contre le « maître ». Et bien, grâce à moi, tous ses « enfants » en font de même... Penser à comment je suis parvenu à déjouer ses plans me permet de calmer la colère qui commence à m'étouffer. Inspire, expire. Je me sens mieux.

Maintenant que j'ai retrouvé un semblant de tranquillité, il faut que je prévienne Salomée que son amie est en sécurité. Après tant d'émotions négatives, je n'ai pas envie d'en subir davantage. Je ne veux pas la voir. D'autant que je ne peux pas avoir accès à son domicile, ou plutôt, à la maison de Raphaël. C'est l'excuse parfaite pour ne pas avoir à lui fixer un rendez-vous pour lui faire le brief de la situation. Après quelques instants de réflexion sur la meilleure façon de procéder, je décide de passer par une méthode qui a fait ses preuves des milliers de fois. Habituellement, celle-ci est utilisée pour terroriser les gens. Cette fois, je vais m'en servir pour la contacter. Mes pouvoirs me permettent de projeter ma volonté. Je me connecte au coffret électrique de son habitation et je fais varier l'intensité lumineuse de toutes les ampoules. Malgré mon éloignement physique, je suis capable de décrire le phénomène qui se déroule sous les yeux de la jeune femme. Toutes ses sources d'éclairages sont en train de clignoter, sans raison apparente. Instaurant un climat particulièrement anxiogène. Si ce manège plonge les gens dans une frayeur indicible, ce ne sera pas le cas de Salomée. Elle en a l'habitude. Elle sait de quoi il s'agit. Ou plutôt de qui. Elle va comprendre tout de suite que je cherche à la contacter. Et évidemment, comme je m'y attendais, la réponse est immédiate. Ma belle brune est loquace et réactive. Presque aussitôt, je sens la connexion s'établir entre nous. La communication par télépathie commence. Et mon interlocutrice est plutôt directe. Elle ne perd pas de temps. Exit la politesse.

— Tu l'as retrouvée ?

Je ne me formalise pas de son manque de tact. Plus vite nous aurons fini cette discussion, plus vite je pourrais retourner à mes occupations. Chercher le commanditaire du réseau, le trouver et le neutraliser. Et par conséquent, me débarrasser d'Emma et rejoindre ma routine, ennuyeuse, mais réconfortante.

— Oui. Elle va bien.

— Pourquoi tu ne l'as pas ramenée alors ?!

Salomée est aussi désagréable que son amie. Un merci, c'est trop demandé ?

— En allant la secourir, j'ai entendu une conversation. Elle est plus en danger que ce que je croyais. Elle a été vendue à une sacrée fortune. C'est la première fois que je vois une femme être achetée pour une telle somme. Celui qui a dépensé autant d'argent va vouloir la récupérer.

— Pourquoi elle ? Pourquoi si cher ?

— La personne qui a commandité ça en a après toi. Ce n'est pas elle qui est visée, mais toi. Le but est de te faire souffrir.

— OK. Pour moi, ce n'est pas grave. Je suis suffisamment bien entourée pour pouvoir me défendre. Mais pour Emma, c'est quoi le plan ?

— Pour le moment, je ne sais pas. Je vais la garder en enfer, avec moi, pour la protéger. Et je vais mener mon enquête.

— Je compte sur toi Sam ! Je te fais confiance. Prends soin d'elle.

Pardon ? Il faut en plus que je joue l'hôte attentionné ? hm... Pour ça, je ne promets pas de faire des efforts...

— Je te recontacte quand j'en saurais plus.

Avant qu'elle ne se paye le culot de m'imposer autre chose, je coupe la communication. Quelle idée mon père a eue d'inventer la femme ! Qu'est-ce qu'elles sont chiantes, bordel !

Maintenant que tout est réglé, je peux retourner à mes affaires. J'ai tout de même un rôle à tenir. Et des suppliciés à châtier. Pour une fois, je les plains. Les pauvres... J'ai beaucoup de tensions à évacuer. Ils vont souffrir. C'est déjà le cas, bien sûr. Mais ils vont morfler plus que d'habitude.

Lumière et ténèbres - tome 2 - Emma (premier jet)Where stories live. Discover now