PARTIE 5

195 21 26
                                    

Ses pieds nus et écorchés martelaient le sol alors qu'elle courait à en perdre haleine, soulevant quelques nuages de poussières sur son passage. À bout de souffle et les joues rosies par l'effort, elle bifurqua dans l'espoir de les semer, ces hommes, ceux qui voulaient sa peau sans qu'elle ne sache vraiment pourquoi. Une voix l'appela, une fois, puis deux... Plus proche et plus nette que la fois précédente.

- Mère, c'est toi ? Criait-elle dans l'obscurité.

Ne trouvant pas l'origine de la voix, elle continua à courir aussi vite que son corps, à bout de force, le lui permettait, s'enfonçant toujours plus loin dans les bois. Alors que la distance entre eux se raccourcissait, elle se prit les pieds dans les lambeaux de tissus de sa chemise de nuit et s'ébranla au sol dans un fracas sourd...

- Bon sang, Kathleen, réveille-toi !

Kathleen fut brusquement arrachée à son sommeil tourmenté par une voix douce mais insistante. Ses paupières lourdes se soulevèrent lentement pour révéler les traits rassurants de sa mère penchée au-dessus d'elle, un mélange d'inquiétude et de sollicitude dans son regard. Tandis qu'elle se redressait dans son lit, des perles de sueur brillaient sur son front et des longues mèches de cheveux ébouriffés lui collaient à la peau. Les battements erratiques de son cœur se calmaient peu à peu tandis qu'elle reprenait contact avec la réalité.

- J'ai mis un temps fou à te réveiller Kathleen, reprit Mary en se levant du lit sur lequel elle était assise, il est 8h40, dépêche-toi, je t'emmène !

Après un coup d'œil furtif à sa fille, Mary lui suggéra tout de même de se débarbouiller.

- Et prends une douche quand même... Ça va aller ?

Sans attendre de réponse ni même une explication de la part de sa fille, la matriarche quitta la chambre, la laissant plongée dans un profond flou. Un long soupir s'échappa des lèvres de la jeune femme tandis qu'elle laissait tomber sa tête entre ses mains, posant ses coudes sur ses cuisses. Peu à peu, elle retrouva sa lucidité, laissant le calme de la solitude apaiser son esprit troublé.

La veille au soir, Evann s'était paisiblement endormi dans le lit de sa sœur. Celle-ci avait dû descendre chercher William pour qu'il le porte jusqu'à son propre lit. Dans l'impossibilité de se concentrer sur ses révisions, elle avait somnolé durant un moment, le bel Eliott refusant de quitter son esprit. Ajouté à ça son sommeil agité, sa nuit avait été courte et peu reposante. Malgré son retard, elle se rendit dans la salle de bain attenante et prit une douche fraîche, histoire de se remettre les idées en place. Trois minutes top chrono lavée et séchée. Elle retourna dans sa chambre, la serviette entourant son corps nu, et attrapa les premiers vêtements qu'elle trouva, ceux qui traînaient en boule sur sa chaise de bureau et les enfila. Elle chaussa ses baskets et descendit au rez-de-chaussée, son sac jeté sur une épaule.

- Je t'ai préparé un jus d'orange, tu mangeras sur la route, lui lança Mary, et prends ton sac, il me semble que tu as sport ce matin.

Kathleen but d'une traite son verre et sortit de la maison, un sac sur chaque épaule. Tout en croquant dans sa barre de céréales elle s'engouffra dans l'habitacle, ses sacs sur ses genoux. Elle regarda l'écran de son téléphone qu'elle tenait dans sa main et vit 3 messages non lus et un appel en absence.

- Inès est passée te chercher ce matin, souligne Mary tout en essayant de s'engager sur la voie, je lui ai dit que tu étais en retard et qu'elle n'avait qu'à y aller sans toi.

- Oui, d'accord maman, mais presse un peu s'il te plaît.. Bougonna Kathleen, ses doigts pianotant d'impatience sur le rebord de la fenêtre.

- Eh je fais ce que je peux, d'accord ? Tu vois bien que c'est bouché !

Après quasiment 20 minutes de route, Mary se gara à la hâte devant l'Université où Kathleen la remercia de l'avoir déposé. Épuisée après avoir parcouru à toute allure les interminables couloirs de la fac, elle finit par atteindre le gymnase, sa démarche trahissant son essoufflement. Malgré son apparence quelque peu désordonnée, elle s'approcha du professeur Cowan et présenta ses excuses d'une voix haletante. Avec bienveillance, le professeur lui accorda l'autorisation de se rendre aux vestiaires pour se changer afin de prendre part à son cours. Lorsqu'elle ressortit des vestiaires, elle chercha ses amies du regard. Inès, bras croisés sur ses genoux, était assise dans les gradins et fixait du regard Julia, occupée à rire à gorge déployée avec ses nouvelles amies. Lorsqu'elle aperçut Kathleen, elle se redressa, un sourire sincère aux lèvres.

- Ah Kathleen, te voilà !

- Désolée, panne de réveil...

- J'ai vu ça, oui...

- Je ne sais pas ce qui m'arrive, mes rêves sont de plus en plus fréquents, je suis épuisée...

- Les petites pipelettes au fond là, on se rapproche ! Merci !

Inès et son sale caractère ne purent s'empêcher de lancer un regard mauvais au professeur, ce qui fit sourire Kathleen.

- Ça va, c'est du sport... Je ne vois pas en quoi faut se concentrer... Répliqua-t-elle à voix basse.

Malgré tout, elles se mêlèrent aux autres et le professeur put départager les étudiants en deux équipes. Qu'est-ce que je déteste le rugby, pensa Kathleen lorsqu'ils arrivèrent sur le terrain. Alors que leur équipe se faisait massacrer par l'équipe adverse, 20 contre 3, Kathleen se fit percuter et s'affala lourdement au sol. Alors qu'elle accuse le coup, un corps la surplombe, un sourire béat sur les lèvres.

- Tu aurais mieux fait de rester couchée, la retardataire !

Kathleen ne parvint pas vraiment à distinguer de qui il s'agissait, sa vision étant encore floue. Tandis que des rires étouffés lui parvenaient dans son dos, aucun doute sur leur provenance, une main délicate aux doigts fins se proposa. En relevant la tête, c'est le visage porcelaine d'Eliott qu'elle aperçut, les mâchoires serrées. Penché vers elle, des mèches de cheveux aussi noirs que l'ébène tombaient devant ses yeux bleus perçants. Lorsqu'elle s'empara de cette main qu'il lui tendait, elle fut d'abord surprise par la froideur de sa peau, et lorsqu'elle croisa son regard, à quelques centimètres du sien, elle sentit une agréable décharge au creux de son ventre. Conscient de l'attention qui pesait sur eux, Eliott retira rapidement sa main, ses sourcils se fronçant légèrement dans une expression de contrariété.

- Essaye de faire plus attention la prochaine fois...

Il détourna le regard tandis que Kathleen sentit le rouge lui monter aux joues. Merci, lui répondit-elle simplement, embarrassée, avant de rejoindre le poste qu'elle occupait.

𝐄𝐃𝐆𝐄𝐖𝐎𝐎𝐃 [ 𝐓𝐄𝐑𝐌𝐈𝐍𝐄𝐄 ]Where stories live. Discover now